On est monté dans la tire de ‘Pinwheel’ et on est parti sur la route. Et sur pas mal de trottoirs. Et même sur au moins une terrasse de café.
« Où vous avez appris à conduire ? En Italie ? » J’ai demandé.
« J’ai jamais appris, » elle répliqua.
« Comment ça ? Garez-vous ! Mieux encore, arrêtez là ! » Je tirai sur le frein à main et on pila sec dans un grand crissement de pneus. Bizarrement, nous étions en travers de la route. J’indiquai à ma cliente que nous changions de place et nous sommes repartis. Elle m'indiqua le chemin, et la plupart du temps je suivis ses directions. Elle m’arrêta devant un grand immeuble. L’enseigne affichait une espèce de talkie-walkie monté sur une roue, avec l’indication « MobileRead : Siège International ».
« C’est qui, là, sur le skate ? » j’ai demandé.
« Nous avions organisé un concours, pour lui trouver un nom, une fois. Personne n’a gagné. »
‘Pinwheel’ passa par la grande porte. Il y avait un gibbon à l’accueil.
« Salut, Adrian. » dit-elle. « Il est avec moi. » Le gibbon rangea un flingue qui aurait fait trembler Red dans ses bottes.
« Quelqu’un a déjà réussi à lui passer devant ? » j’ai demandé.
« Pas intact. » Je hochai la tête. C’était forcément quelqu’un à l’intérieur, alors. Je la suivis à travers un dédale de bureaux à cloisons, occupés par des caves trimant avec industrie. À la fin des couloirs on arriva devait une porte luxueuse ; sur le panneau, « Suite des Modérateurs » luisait en lettres d’or. À côté il y avait un clavier d’ordinateur et un petit écran. ‘Pinwheel’ se mit à pianoter dessus comme un enragé. Cela dura un certain temps.
De temps à autre elle lâcha un juron et flanqua une baffe à la boîte. « Fichu IE6 ! » elle grognait. Je n’ai pas bien compris pourquoi il lui a fallu déposer une goutte de sang sur la touche « k ». Enfin, la porte massive céda sur une moquette somptueuse. Une douce musique flottait sur l’air. Miss ‘Pinwheel’ passa le protocole de sécurité et j’entrai dans le saint des saints.
Il y régnait un bordel indescriptible. Contre un mur, une table semblait continuer ad vitam aeternam. Je remarquai qu’il y avait une petite plaque gravée sur le côté : « Y le T » je déchiffrai. Un paquet de types et quelques souris en chapeau vert faisaient le poireau. Par terre il y avait une sacrée pagaille.
« C’était qui, ce type ?” j’ai demandé.
« Son nom est pshrynk. Enfin, était. »
Le cadavre n’était pas beau à voir. Et ce qui lui était arrivé, encore moins. Il avait l’air de s’être bastonné avec plusieurs pinces-monseigneur et au bas mot deux gorilles, et d’avoir perdu.
« Va falloir se donner du mal pour enlever les taches de ce tapis. » j’ai dit.
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