Rugby : le XV de France toujours sans certitudes

A trois semaines de la Coupe du monde, les Français ont clos leur préparation, vendredi 30 août, en battant l'Italie (47-19)

Vive la vie. C'est le titre (en espagnol) de la chanson diffusée après match. C'est peut-être aussi ce que se disent les joueurs du XV de France, ce soir d'été, sans préjuger de leur goût pour le groupe de pop rock Coldplay. Pendant trois bonnes minutes, les voilà qui restent en cercle sur le terrain, à peine sortis d'une large victoire sur l'Italie (47-19) pour leur dernier match de préparation à la Coupe du monde. Leur troisième test, vendredi 30  août à Saint-Denis, après une victoire sans mal contre l'équipe bis de l'Ecosse (32-3), à Nice, puis une défaite contre ses titulaires (17-14), à Edimbourg.

Vive la vie, vive la préparation et ses résultats sans conséquence, ses adversaires sans trop de consistance. Vive tout cela, tant qu'il est encore temps, car le " groupe de la mort " arrive bientôt. Dans trois semaines déjà débute le Mondial au Japon – et, avec lui, les grands tracas : un duel contre l'Argentine pour ouvrir le premier tour, un autre contre l'Angleterre pour le clore et espérer se qualifier en quarts de finale (outre ceux contre les Etats-Unis et les Tonga).

Comment le dire avec diplomatie ? A l'approche de la compétition, la France a affronté des équipes de seconde zone, qui est aussi désormais la sienne. Augmenter le rythme de jeu, réduire les fautes de main : contre les Argentins puis les Anglais, dont les Bleus paraissent encore si loin, il s'agira de rehausser d'au moins " deux crans " le niveau. Le pilier Jefferson Poirot l'a dit en qualité de capitaine – Guilhem Guirado, l'habituel talonneur et porteur du brassard, ayant encore commencé remplaçant, comme il y a deux semaines.

Vendredi soir, traits marqués, Jacques Brunel a d'abord refusé de livrer un bilan des rendez-vous d'août contre l'Ecosse et l'Italie – les deux seuls pays que son équipe ait déjà dominés, en début d'année, lors d'un triste Tournoi des six nations. Puis, tout de même, cette remarque du sélectionneur national : " Autant le secteur défensif est un peu plus aisé à mettre en place on a été relativement corrects , autant on sait que le secteur offensif demande plus de précision, de justesse et de timing. On aura toujours du travail à faire dans ce secteur. "

L'entraîneur a parlé dans un auditorium désert ou presque : à peine une douzaine de journalistes assis pour l'écouter en conférence de presse. Même impression de désolation durant la partie, partout en tribunes, comme si cette équipe avait déjà épuisé la patience d'une part non négligeable du grand public.

Liste définitive dès lundi

D'après nos informations, moins de 30 000 spectateurs ont assisté à la rencontre contre l'Italie, invitations comprises. Soit la pire affluence pour une date de la sélection nationale au Stade de France, dans cette enceinte qui pourrait en contenir près de 80 000.

Mi-août, la délocalisation à Nice avait déjà entraîné de premiers courants d'air. Seulement 25 000 places sur quelque 35 000 avaient trouvé preneurs, selon le décompte officiel, au moment de recevoir les Ecossais. Rien de tel à Edimbourg, il y a une semaine : le déplacement en Ecosse s'est joué dans un stade de Murrayfield bien rempli.

Jefferson Poirot évoque les " grandes vacances ", qui démobiliseraient le grand public. Peut-être. Mais reconnaissons aussi une lassitude générale à suivre ce XV de France fort avec les faibles et faible avec les forts. Il y a une semaine, il perdait son match le plus relevé du mois, contre l'équipe une de l'Ecosse : deux essais marqués, deux encaissés, et beaucoup de maladresses de toutes parts.

A l'inverse, cinq essais inscrits contre les réservistes de l'Ecosse. Puis sept contre l'Italie, dont un, dès la troisième minute, en bout de ligne, du revenant Yoann Huget. " Les Italiens n'étaient pas vraiment très forts, comme les Ecossais au premier match ", convient Arthur Iturria.

Le troisième ligne, redevenu " seconde latte " l'espace d'une soirée, dit les choses telles qu'elles sont. A propos de l'Italie, pour commencer : " Ce n'est pas une top équipe mondiale. " Puis de la France : " On n'est pas une top équipe mondiale non plus. " Alors, forcément, " tous les succès sont bons à prendre, ils nous amènent plus d'expérience, de confiance, même si confiance est un grand mot. "

Difficile, en effet, de travailler dans un groupe remanié en permanence. Sans charnière fixe, sans buteur attitré… ni discipline : encore deux cartons jaunes en première période contre l'Italie (Louis Picamoles et Rabah Slimani), trois essais encaissés et beaucoup trop de pénalités concédées pour aborder les semaines à venir en toute décontraction.

Lundi 2  septembre, Jacques Brunel communiquera enfin l'identité des 31 joueurs retenus pour le Japon, et donc des six retoqués après deux mois de stages en commun. Annonce prévue au journal télévisé de 20  heures, sur la chaîne TF1, qui a aussi acquis les droits de retransmission du Mondial. Fabien Galthié aura bien sûr son mot à dire, même si l'adjoint du sélectionneur, et son futur successeur après la Coupe du monde, continue d'observer un silence médiatique. Deux joueurs paraissent déjà défavorablement fixés. L'ailier rochelais Vincent Rattez et l'ouvreur toulonnais Anthony Belleau n'ont disputé aucun des trois matchs pour aoûtiens.  Suspense, en revanche, à propos de la troisième ligne : Charles Ollivon et François Cros, malgré leur statut initial de réservistes, menacent désormais Louis Picamoles, Wenceslas Lauret et Yacouba Camara.

" Je vais tourner et retourner toute la nuit ", expliquait Jacques Brunel, vendredi, à l'heure des derniers choix. Avant, selon toute vraisemblance, quelques nuits blanches automnales.

Adrien Pécout

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