Drôle et intelligente, la deuxième saison de la série courte, qui donne vie à de célèbres toiles, est immanquable
D'abord, on s'indigne : oser toucher aux chefs-d'uvre ? Viendrait-il à un hurluberlu l'idée de mettre des moustaches à La -Joconde ? Alors filmer l'interrogatoire de La Jeune Fille à la perle par un policier qui la soupçonne d'avoir volé le bijou qui lui pend à l'oreille, et lui demander si ce Vermeer dont elle cause, c'est son " mac ", là, on frise l'indécence !
Pourtant, le rire l'emporte : c'est qu'elle est sacrément drôle, et intelligente, la série A musée vous, à musée moi, que diffuse Arte pour la deuxième saison. La réalisation en est complexe, mais le principe est simple : animer des tableaux grâce à des acteurs choisis pour leur ressemblance avec les modèles – et pour leur talent.
Mais plutôt que de raconter leur vie, comme le ferait un historien d'art, ils vous parlent de la vôtre. Ainsi de Dürer, dont l'Autoportrait se plaint aux responsables du musée qui l'abrite (l'Alte Pinakothek de Munich) du froid qui règne dans les salles et réclame un peu de chauffage, ce qui lui est refusé pour cause d'économies d'énergie.
Surréaliste ? Un peu (le réalisateur, Pablo Muñoz Gomez, est belge, et la Belgique est la vraie patrie du surréalisme)… Il est tour à tour question de l'égalité hommes-femmes, du racisme et de l'immigration (à travers Jean-Baptiste Belley, peint par Girodet, député de Saint-Domingue, mais qu'on n'embauche pas ou qu'on refuse de prendre en auto-stop parce qu'il est noir), de l'écologie ou de la maltraitance animale. Sont ainsi animés, outre les précités, Daughters of Revolution,de Grant Wood, Shot Marilyns, d'Andy Warhol, Summer Evening, d'Edward Hopper, La Voix de son maître, de Francis Barraud, le Narcisse du Caravage, et La Lecture, d'Auguste Renoir, où deux jeunes filles discutent des mérites comparés du livre imprimé et de la liseuse électronique, dans des épisodes courts (deux minutes), où chaque tableau est maltraité sur trois thèmes différents – outre ses ennuis de chauffage, Dürer en aura ainsi aussi avec Dieu et avec ses followers.
Irrespectueux, certes, mais cela fait du bien, surtout quand on pense à l'atmosphère compassée qui règne dans les musées. A consommer sans modération, pour se remettre des tribulations dans la file d'attente du Louvre.
Harry Bellet