L'ancien négociateur de la guérilla des FARC en Colombie reprend les armes

Ivan Marquez accuse l'Etat d'avoir trahi l'accord de paix signé en 2016. Une attitude critiquée par nombre d'ex-guérilleros démobilisés

Luciano Marin, alias Ivan Marquez, reprend les armes et le maquis. La décision de celui qui fut numéro deux de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et négociateur de l'accord de paix signé en  2016 a fait l'effet d'une douche froide.

Elle a été annoncée jeudi 29  août dans une vidéo de trente-deux minutes diffusée sur la chaîne YouTube. Ivan Marquez – qui avait disparu de la vie publique depuis plus d'un an – y apparaît en treillis militaire, pistolet à la ceinture, entouré d'une vingtaine d'hommes également armés. Plusieurs chefs historiques des FARC, dont Hernan Dario Velasquez alias El Paisa et Seuxis Paucias Hernández alias Jesus Santrich, sont là. Ivan Marquez accuse l'Etat colombien d'avoir " trahi l'accord de paix négocié à La  Havane ".

" Nous n'avons jamais été vaincus militairement ni idéologiquement. C'est pour cela que la lutte continue. L'histoire dira que nous avons été obligés de reprendre les armes ", affirme Ivan Marquez. Son groupe entend " unir ses efforts " avec l'Armée de libération nationale (ELN), la petite guérilla d'obédience castriste encore active.

La guerre pourrait-elle reprendre ? Non, ont répondu à l'unisson les ex-commandants des FARC démobilisés. Tout en dénonçant le retard pris dans la mise en œuvre de l'accord de paix et la mauvaise volonté du gouvernement, ils se sont publiquement démarqués des propos d'Ivan Marquez. " Plus de 90  % des anciens guérilleros continuent de croire à la paix ", a rappelé pour sa part l'ancien président Juan Manuel Santos, Prix Nobel de la paix 2016. L'ONU, qui supervise l'application de l'accord, s'est également prononcée en ce sens.

" Appeler à la lutte armée dans la Colombie d'aujourd'hui est une erreur délirante ",a déclaré Rodrigo Londoño, alias Timochenko, au cours d'une conférence de presse à Bogota. Ex-grand chef de la guérilla des FARC, " Timo " est aujourd'hui à la tête du parti politique du même acronyme, la Force alternative révolutionnaire commune (FARC). " La guerre ne peut être le destin de notre pays, a-t-il ajouté. L'immense majorité des Colombiens veut vivre en paix. "

" Nous n'allons pas faire marche arrière sur le chemin de la paix ",a renchéri Carlos Antonio Lozada, un ancien commandant guérillero devenu sénateur dans le cadre de l'accord de paix. Mais nombre de militants de base du parti de la FARC se sentent, eux aussi, " trahis " par le gouvernement en place.

" Nous, les Colombiens, n'assistons pas à la naissance d'une nouvelle guérilla. Nous sommes face à la menace criminelle d'une bande de narcoterroristes qui comptent sur le soutien de la dictature de Nicolas Maduro. Ne tombons pas dans le piège de ceux qui prétendent revêtir d'idéologie leur conduite criminelle ", a déclaré le président Ivan Duque.

Les autorités colombiennes craignent que les guérilleros, décidés à reprendre du service, n'aient trouvé refuge au Venezuela. Fin juillet, le président Maduro déclarait qu'Ivan Marquez et Jesus Santrich étaient " bienvenus au Venezuela ".Le représentant spécial de la diplomatie américaine pour le Venezuela, Elliott Abrams, s'est dit " très inquiet " du soutien que le " régime vénézuélien apporte aux groupes armés colombiens ". Caracas a démenti le fait.

" Alliance avec le narcotrafic "

Le président Duque a annoncé une récompense de 3  milliards de pesos (800 000  euros) pour la capture de chacun des rebelles qui apparaît sur la vidéo, et ordonné " la création d'une unité spéciale – avec des capacités renforcées de renseignement, d'enquête et de mobilité sur tout le territoire colombien – pour poursuivre ces criminels ". La juridiction spéciale de paix, chargée de juger les crimes commis tout au long du conflit armé, a donné l'ordre de les arrêter.

Si la gauche considère que le président Ivan Duque a sa part de responsabilité dans la crise actuelle, personne n'a critiqué la fermeté du chef de l'Etat. Le chef de file de la gauche indépendante, Gustavo Petro, critique Ivan Marquez : " Dans le siècle où nous vivons, dans le pays où nous vivons, les armes conduisent inévitablement à une alliance avec le narcotrafic et les économies obscures. (…) La révolution, c'est la paix. "

Marie Delcas

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