WeWork, entreprise technologique en toc ?

Pour séduire les investisseurs, l'argument tech fait mouche, sans être toujours crédible

WeWork est-elle vraiment une société de nouvelles technologies ? Le géant de la location d'espaces de travail fait tout son possible pour en convaincre les investisseurs. Dans le document qu'elle a remis à la mi-août, en amont de son entrée sur les marchés, au gendarme de la Bourse américaine, le terme " technologie " apparaît 110 fois.

L'entreprise se présente volontiers comme une société d'" espace en tant que service " – reprenant la terminologie des sociétés d'informatique (Software as a serviceou SaaS : logiciel en tant que service). Elle assure compter 1 000 employés au profil " tech " – sur un total de 12 500 – et avoir fait l'acquisition de plus d'une dizaine de start-up spécialisées pour se doter de compétences dernier cri. Pour rendre l'expérience de ses clients optimale, la compagnie analyse les données dont elle dispose dans les 528 sites qu'elle exploite à travers le monde, pour définir la taille idéale des salles de réunion ou le nombre de machines à café à installer…

Pour autant, tout le monde – loin de là – n'est pas convaincu : " Ils jouent la carte de la tech, mais ce qu'ils font, c'est juste du coworking ", tranche par exemple Augustin Sayer, de NewFund Capital. Il y a une vingtaine d'années, la question ne se serait pas posée. Etait considérée comme tech toute société qui commercialisait des ordinateurs, des téléviseurs ou des logiciels. Au tournant du siècle, le terme s'est appliqué aux entreprises qui, les premières, ont saisi le potentiel du numérique.

Mais, aujourd'hui, une société est-elle tech parce qu'elle utilise Internet ou parce qu'elle dispose d'une application mobile ? L'adoption de ces technologies – et désormais du big data et de l'intelligence artificielle – est devenue aussi banale qu'indispensable dans une économie qui se numérise à marche forcée.

Mais quand il s'agit de séduire des fonds d'investissement ou des boursicoteurs, l'argument tech – quand bien même il ne serait qu'un vernis – fait mouche. Rien de mieux qu'une société qui promet de " disrupter " son secteur à grand renfort de big data et de machine learning, de cloud et de robots. Entrer dans cette catégorie, c'est la promesse de s'attirer plus facilement des financements, quand bien même la société accumule les pertes.

" Un capital monstre "

Car contrairement aux entreprises de l'économie traditionnelle, les start-up sont valorisées sur un multiple de leur chiffre d'affaires et non pas de leur résultat d'exploitation. Ce qui explique, par exemple, que IWG, le principal rival de WeWork – qui gère un parc de stations de travail presque équivalent et dégage, lui, des bénéfices – affiche une valorisation plus de dix fois moindre que celle de la pépite new-yorkaise (3,7  milliards contre 47  milliards de dollars).

On comprend mieux alors pourquoi, par exemple, une chaîne de bars à salades américaine, Sweetgreen, se présente dans un communiqué comme " une société tech plus qu'une chaîne de restaurants " – surtout parce que la moitié de ses commandes sont passées grâce à son application.

Par ailleurs, ni Sweetgreen ni WeWork ne présentent un modèle économique vraiment novateur. Le propre des sociétés tech les plus performantes – en particulier celles qui ont adopté le modèle des plates-formes – est d'avoir réussi à créer une équation permettant de générer à moindre coût des revenus consistants.

Comme le résume la Harvard Business Review, " une entreprise de technologie à succès doit pouvoir révolutionner des industries entières, s'étendre à une vitesse vertigineuse et réaliser des profits énormes, sans que cela ne nécessite d'importants investissements en capital ". Or, l'activité de WeWork l'oblige à engager des coûts faramineux pour pouvoir étendre son activité et distancer ses concurrents.

Comme le résume Augustin Sayer, de NewFund Capital, " s'il veut se déployer dans le monde entier, il faut à WeWork un capital monstre, alors que pour une boîte comme Slack - qui propose un système de messagerie - , cela ne lui coûte presque rien ".

Vi. F.

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