Nicolas Batum, chef d'orchestre des Bleus au Mondial de basket-ball

Le joueur doit assurer la relève de Tony Parker et de Boris Diaw à la tête de l'équipe de France, lors de la Coupe du monde qui débute le 31 août

La page est définitivement tournée, et le livre clos. L'équipe de France de basket-ball entame, dimanche 1er  septembre, la Coupe du monde de basket-ball en Chine et un nouveau chapitre de son histoire. Trois ans après la retraite internationale de Tony Parker, un an après celle de Boris Diaw, les Bleus doivent se trouver de nouveaux chefs d'orchestre.

" C'est comme une forme de deuil, juge Jim Bilba, capitaine des Bleus de 1996 à 2001. Même si la majorité des joueurs se connaissait déjà, ils sont dans l'obligation de se réinventer. Qui va fédérer l'équipe ? Qui, en cas de difficulté, va prendre ses responsabilités ? " La question est légitime, la dernière sortie des Bleus en compétition s'étant soldée par une piteuse élimination en huitièmes de finale de l'Euro 2017 et un manque criant de liant.

" Ça fait maintenant trois ans que Tony, Flo - Pietrus - et Mike - Gelabale - sont partis, j'espère que la transition a été faite, confie Nando de Colo. Maintenant, c'est à nous de nous répartir les rôles. " Les clés sont à la disposition des deux " anciens " du groupe, les seuls à compter plus de cent sélections, lui et Nicolas Batum.

Pour le sélectionneur, Vincent Collet, l'heure de " Bambi " a sonné. Alors coach du  Mans, il avait surnommé ainsi Batum, grand gamin dégingandé qu'il venait de lancer, à 16  ans, dans le bain du professionnalisme.

Aujourd'hui trentenaire, le joueur s'est étoffé, physiquement comme dans le jeu, et a passé, comme son coach, dix ans en équipe de France. Le sélectionneur, qui l'a désigné capitaine, " attend qu'il prenne ses responsabilités et tienne un rôle de facilitateur, qu'il n'a pas toujours endossé ".

L'ailier de l'équipe de NBA des Charlotte Hornets se veut, lui, " en gros, comme une sorte de Boris ". Clin d'œil à Vian en raison de L'Automne à Pékin ? Non. Le Boris en question est le capitaine historique du navire bleu, Diaw. " Le joueur qui attache tout ", poursuit Batum. Le genre de lien qui libère ses partenaires.

L'importance d'être Boris ? " Difficile de se définir soi-même ", s'esclaffe Boris Diaw, désormais manageur général adjoint des Bleus. Son ancien partenaire et pierre angulaire de la défense française pendant quinze ans, Florent Pietrus, rappelle : " Boris, c'était le joueur qui réfléchissait pour nous, il équilibrait la balance entre les extérieurs et les intérieurs. "

Un rôle que Batum se voit bien endosser. Mais n'est pas Boris Diaw qui veut. Si le natif de Lisieux partage avec son ancien capitaine un côté touche-à-tout sur le terrain – shoot, création, défense –, il est attendu dans un autre rôle. " Ce n'est pas le même genre de joueur, Nico doit être décisif, insiste Florent Pietrus. Il ne doit pas se cacher derrière ce rôle de facilitateur, il en a les épaules. "

Comme il l'a démontré à la fin du Mondial 2014, prenant ses responsabilités en l'absence de Parker et de Colo, pour hisser les Bleus sur leur premier podium mondial (3e place). Un souvenir que Batum chérit, et entend réitérer en Chine : " On avait une équipe jeune, inexpérimentée, et on crée l'exploit parce qu'on était soudé. Il faudra avoir le même état d'esprit. "

Pour ses coéquipiers, voir le Normand reprendre le flambeau relève du naturel. " Il est là depuis longtemps, il a fréquenté Boris, Flo, Tony pendant pas mal d'étés et il a le charisme pour le faire, liste Adrien Mœrman. Et, quand il parle, tout le monde est à l'écoute. "

Pourtant, Batum est un taiseux, pas de ceux qui haranguent. " C'est un leader par l'exemple, sur et en dehors du terrain ", relate Boris Diaw.

" Dans cette équipe, il y a des joueurs bien plus éloquents que moi, comme Evan - Fournier - . Et je le vois bien prendre la parole en premier en cas d'urgence, assume Batum. Florent Pietrus aussi voit l'étincelle venir de la grinta d'un Fournier, ou de la force d'un Rudy Gobert. Sans omettre l'importance de Batum. " Il ne parle pas beaucoup et va devoir se forcer, mais il peut le faire, et est légitime. "

Assumer l'héritage

" Nicolas ne peut pas être Tony Parker ! Il faut oublier ce fantasme que les uns et les autres peuvent avoir ", relève Vincent Collet. Le même assurait, voici deux ans, qu'être leader, " ce n'est pas juste marquer deux, trois paniers de plus que les autres. C'est aussi avoir la bonne attitude au quotidien, et entraîner le groupe derrière soi ".

D'autant qu'en équipe de France on ne naît pas leader, on le devient. " Celui qui arrive en disant : “Moi je peux faire ça, je veux faire ça, je vais faire ça”, n'a rien compris, martèle l'arrière néophyte Paul Lacombe. Il va trébucher. "" Les années engrangées, l'expérience de voir ce qu'ont fait les leaders avant, c'est comme ça qu'on apprend à guider l'équipe ", corrobore Boris Diaw.

Un héritage que Nicolas Batum entend assumer. " A nous désormais de maintenir la trace indélébile de victoire et de gagne laissée par les anciens depuis maintenant une dizaine d'années. " Et ce, malgré la pression. " Il sait qu'il doit être performant et fédérer l'équipe, souligne Jim Bilba, c'est son nouveau rôle.Au début, ce n'est pas simple, car on se met une pression énorme. "

" Un jour, cette équipe va être la tienne ", promettait Vincent Collet à Nicolas Batum, lors de l'Euro 2013, pour mieux lui faire accepter son rôle de " lieutenant du général Parker ". Une campagne conclue par la délivrance, le premier sacre du basket français. Six ans se sont écoulés, et la promesse a été tenue. Pour aller loin en Chine, les Bleus devront suivre " Bambi ".

Clément Martel

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