La demande de viande pèse sur les ressources de la planète

Réduire sa consommation de viande est une bonne habitude à prendre pour la planète et pour la santé. C'est un des messages-clés du dernier rapport en date du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), sur le changement climatique et les terres, publié le 8 août." La viande, et en particulier la viande de ruminant (bœuf et agneau), est l'aliment avec le plus d'effet sur l'environnement ", relèvent les experts des Nations unies.

L'alimentation pèse pour environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre et peut exercer une importante pression sur les ressources en eau et en terres de la planète. Si l'agriculture contribue, par les émissions que le secteur génère, au réchauffement, elle en est aussi l'une des principales victimes : sécheresses et perte de biodiversité sont autant de menaces pour la sécurité alimentaire, et le seront davantage à l'horizon 2050, quand cohabiteront 9,7 milliards d'individus sur Terre.

Or, partout dans le monde, la consommation de viande augmente. Dans les pays émergents, la croissance de la classe moyenne entraîne une hausse de la demande en produits carnés. En Afrique, l'Organisation des -Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prévoit un bond de 200  % de la consommation de bœuf et de porc d'ici à 2050, et de 211  % pour la volaille. Un défi majeur, pour l'instant en partie compensé par une hausse des importations de viande, fragilisant les économies traditionnelles centrées sur le pastoralisme.

Affaire culturelle

Si le GIEC ne recommande aucune alimentation en particulier, il compare dans son rapport le potentiel climatique de différents régimes – végétarien, flexitarien (remplaçant 75  % des produits carnés et laitiers par des céréales et légumineuses), " méditerranéen " (centré sur les légumes, fruits, huiles et sur une consommation -modérée de viande), omnivore…

Observant que l'alimentation est avant tout une affaire culturelle, les experts du GIEC se gardent de prôner une recette uniforme pour toute la planète. Mais ils notent que réduire la ration de viande est le levier le plus -efficace pour limiter son empreinte carbone. En outre, les régimes les plus durables, note le GIEC, sont également les plus sains :riches en céréales, en noix, en légumineuses, en fruits et légumes de saison, et comportant un minimum de produits animaux.

Science le confirme dans une étude parue en juin  2018, les produits carnés et laitiers fournissent 18  % des calories consommées et seulement 37 % des protéines, mais utilisent une écrasante majorité des terres agricoles (83 %) et émettent 60 % des rejets de gaz à effet de serre. Parmi les animaux d'élevage, les ruminants (vaches, chèvres et agneaux) sont de loin les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Et dégager l'espace nécessaire au pâturage et aux cultures indispensables à leur alimentation entraîne de la déforestation.

Une commission formée par la revue médicale The Lancet et la fondation EAT avait cherché à définir, en janvier, la recette d'un régime sain pour la planète : elle avait conclu qu'il faudrait réduire la consommation de viande rouge de 50  % au niveau mondial (de 84 % pour les Nord-Américains et de 77  % pour les Européens) et doubler celle de fruits, -légumes, noix et légumineuses. En -revanche, pour l'Asie du Sud-Est, où les populations connaissent des carences en micronutriments, la commission EAT-Lancet préconisait de multiplier par deux la ration de viande rouge. Dans une autre étude, publiée dans -Nature en octobre  2018, il était recommandé de réduire la consommation de bœuf de 90  % dans les pays développés (80  % à l'échelle mondiale).

Face au constat d'une demande de viande toujours croissante, certains prônent le développement des viandes d'imitation à base de protéines végétales, de la viande cellulaire (fabriquée à partir de cellules souches animales), ou encore des insectes.

Mais le GIEC constate plusieurs limites à ces solutions de rechange : d'abord, leur faible empreinte carbone reste à démontrer. Ensuite, leur acceptation par les consommateurs n'est pas acquise. Enfin, ces technologies pourraient avoir un " impact social pour les populations rurales, en raison d'une transformation de l'agriculture animale en une activité industrielle ". Pour le GIEC, ces pistes, sans être une solution à l'échelle mondiale, " pourraient être considérées comme une -option dans un monde aux ressources limitées ".

Mathilde Gérard

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