La rentrée discrète et locale de Laurent Wauquiez

L'ancien président du parti Les Républicains, qui devait gravir le mont Mézenc dimanche, assure se concentrer sur son agenda régional

Détendu "," serein ", voire barbu à l'occasion, le Laurent Wauquiez nouveau est arrivé dans le Rhône. Passé les guerres intestines de l'état-major du parti Les Républicains (LR), les défections et les critiques, le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes s'annonce comme un port d'attache plus tranquille pour l'ex-chef de parti, voire un tremplin pour de futures ambitions, lui souhaitent ses soutiens.

Les voix qui s'élevaient en interne pour dénoncer le rétrécissement du parti sont désormais de lointains échos et le président de région fait l'objet de la mansuétude de son entourage régional. " La défaite des européennes n'est pas la défaite de Laurent Wauquiez, c'est une défaite collective, on a tous perdu, assure son conseiller spécial au conseil régional, le député Dino Cinieri. On a perdu aussi par les trahisons (…) C'est difficile de faire campagne avec des gens qui n'ont qu'une envie, saborder le parti. J'en veux à ceux qui l'ont miné de l'intérieur pour le quitter au lendemain de la démission de Laurent Wauquiez. "

A Paris, les moins wauquiézistes continuent de méditer, amers, la défaite du parti au scrutin du 26  mai, " la stratégie du socle qu'il défendait, si les fondations sont totalement vérolées, le premier étage ne peut que s'effondrer ", lâche un député. D'autres reprochent au président d'Auvergne-Rhône-Alpes d'avoir oublié de rendre les clés de LR. " Le système s'est refermé sur lui-même, Laurent Wauquiez a fermé la porte et a jeté la clé ", estime ainsi un proche de Valérie Pécresse, qui a quitté le parti en juin, dans le sillage de la démission du président, en dénonçant le " verrouillage " de la formation.

En région, Laurent Wauquiez s'attache donc à faire redescendre la pression. Après des vacances françaises et familiales, il a prévu des rituels de rentrée presque inchangés : les invitations pour le mont Mézenc, qu'il gravit chaque année entouré de ses soutiens et sympathisants de Haute-Loire, ont été lancées, confirment plusieurs élus du conseil régional et parlementaires. Mais, dimanche 1er  septembre, il n'y aura ni ascension ni médias conviés, juste un simple repas qui sera l'occasion de donner la feuille de route pour 2019-2020 à la majorité régionale et aux parlementaires d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Rituels de rentrée

" A partir de maintenant, les Français vont te regarder autrement ", lui aurait dit Nicolas Sarkozy, quelques instants après l'annonce de sa démission sur TF1 dans la voiture qui le ramenait vers Le Puy-en-Velay, rapporte un cadre de LR. L'ancien chef de l'Etat l'aurait aussi rassuré sur sa stature nationale à droite. Christian Jacob, dont il soutient la candidature à la présidence du parti et avec qui il s'entretient régulièrement, abonde : " C'est très injuste par rapport aux qualités qui sont les siennes. C'est un très bon président de région, mais la mayonnaise n'a pas pris au niveau national. "

Son entourage prévient qu'il gardera le silence sur les questions nationales au moins jusqu'aux municipales, en mars 2020, mais, sur les réseaux sociaux, Laurent Wauquiez s'est exprimé contre le traité de libre-échange avec le Mercosur ou le déremboursement de l'homéopathie, dont l'un des premiers acteurs, les laboratoires Boiron, siège dans le Rhône.

" Par sa place de président de la deuxième région de France après l'Ile-de-France, forcément il suit de très près les problèmes internationaux, comme récemment le CETA ", justifie Dino Cinieri. Quant aux questions de politique interne, si l'on excepte ses multiples coups de fil amicaux, " il ne s'en mêle pas du tout, il reste en dehors, il se détache provisoirement des enjeux du parti ", assure-t-il.

Son sort déclenche en tout cas l'indulgence de ses collègues locaux, voire l'espoir de le voir endosser à nouveau des habits nationaux. " Il est jeune, il a encore un bel avenir politique devant lui ", dit la sénatrice de Savoie Martine Berthet. Un élu local de droite, moins optimiste, résume : " Ça prendra beaucoup, beaucoup de temps. Ça va être une vraie traversée du désert, utile, à condition qu'on sache en faire quelque chose. Mais, si son tour doit arriver, ce ne sera pas en  2022. "

Dans son entourage, on assure que l'agenda est pour l'heure strictement régional. " Quand on a cette stature, on vous prête toujours des ambitions, un avenir, mais ce n'est pas dans sa réflexion aujourd'hui, assure un proche, son action politique est d'abord pour la région, et ensuite d'aider les amis à gagner ou à conserver des mairies. " Reste à l'horizon l'échéance des régionales de 2021 – " désormais son unique planche de salut ", pour le président du groupe PS et démocrates au conseil régional, Jean-François Debat.

Ce dernier ne nie pas une récente inflexion du personnage. " Au mois de juin, il a tourné un peu partout dans la région, est allé dans des endroits où il avait rarement mis les pieds, une fois n'est pas coutume, sans tintamarre publicitaire ni annonce ", dit-il.

Mais il prévient que le tournant, s'il a lieu, sera rude. " Depuis 2015, délibérément, Laurent Wauquiez a fait de la région le laboratoire politique de sa vision d'une droite clivante. Il a assumé notamment de trancher dans les subventions des associations écologistes et de travailler avec les chasseurs, ou encore de mettre une crèche de Noël dans l'hôtel de région ", rappelle-t-il. Va-t-il opérer un virage pour devenir plus consensuel ? Il sera difficile de faire oublier l'image clivante voire provocatrice sur laquelle il s'est construit. "

La question de son image promet d'être centrale.Un proche confie ainsi : " Il n'a aucune aigreur, même si, le moment venu, il y aura sans doute une réflexion sur pourquoi ça n'a pas fonctionné aussi bien qu'il l'aurait souhaité. "

Julie Carriat

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