Mes chers instituteurs

Peut-on imaginer monde plus figé que celui du groupe scolaire Denis-Diderot, que longent, seul gage de modernité, les voies de L'Arbalète, le train reliant Bâle et Zurich à Paris ? Au mitan des années 1970, les enseignants qui s'y partagent les logements de fonction travaillent sous la houlette du sévère directeur Lorrain, et Mai 68 paraît bien loin. Même si, avec l'arrivée de Florimont, un collègue " freinetiste ", la donne change insensiblement. Livrant une peinture délicieusement nostalgique d'un temps effacé où les femmes, même féministes convaincues, assument toutes les tâches domestiques, où  la mixité, prônée, perturbe plus qu'elle ne libère et où les -codes d'apprentissage de la masculinité en sont mis à mal, Jean-Philippe Blondel campe un petit théâtre social dont chaque personnage sublime sa -caricature. Prenant une hauteur de vue comparable à son jeune héros, Philippe Goubert, qui ouvre le roman au moment où il risque de chuter d'une corniche, le romancier défie le temps comme le garçonnet le vertige pour raviver les couleurs passées du monde d'hier.

Philippe-Jean Catinchi

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