Le groupe acquiert également l'américain Castle Brands et son bourbon Jefferson's
Un milliard de yuans. Soit environ 130 millions d'euros. C'est le montant que Pernod Ricard est prêt à miser pour bâtir une distillerie de whisky à Emeishan, dans le Sichuan, en plein cur de la Chine. La première pierre devait être posée jeudi 29 août. Mais il faudra attendre 2021 pour que l'alcool commence à couler, et 2023 pour boire la première bouteille dont la marque chinoise n'est pas dévoilée.
" Avec ce projet, nous serons les premiers à proposer un whisky single malt chinois ", se réjouit Alexandre Ricard, PDG du deuxième groupe mondial de spiritueux. Ce projet illustre la stratégie qu'il impulse depuis février 2015, date de son arrivée à la tête de l'entreprise fondée par son grand-père, Paul. " Quand nous investissons en Chine ou en Afrique, c'est une stratégie à long terme ", tient-il à souligner, s'ancrant dans l'histoire du groupe familial.
Evolution de la gouvernanceMais le petit-fils du fondateur s'est aussi fixé d'autres impératifs : croître et accélérer le changement du groupe. D'où le vocable " Transform & Accelerate " choisi pour qualifier le nouveau plan stratégique qui se déroule sur trois ans de 2018 à 2021. " - Dans ce contexte - , nous accélérons la gestion dynamique de notre portefeuille ", explique M. Ricard.
Pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs enclins à découvrir des alcools dits" artisanaux ", Pernod Ricard ajoute de nouvelles marques à son bar. Le groupe a annoncé, mercredi 28 août, l'achat de l'américain Castle Brands pour 223 millions de dollars (201 millions d'euros). De quoi s'offrir un nouveau bourbon à la marque Jefferson's. Début août, Pernod Ricard avait décroché la marque de whiskey texan TX et sa distillerie à côté de Fort Worth. Et, en juin, Rabbit Hole, un bourbon du Kentucky. Et, en avril, le gin italien Malfy. A l'inverse, il a cédé des vins argentins.
Mais cette montée en puissance ne se limite pas aux marques. " Nous accélérons notre politique financière ", affirme M. Ricard. Pour la première fois, le groupe familial lance un programme de rachat d'actions d'un montant maximal de 1 milliard d'euros sur deux ans. Il augmente également fortement la distribution de dividendes. Des décisions qui ne manquent pas d'être mises en regard avec l'arrivée surprise du fonds activiste américain Elliott à son capital en décembre 2018.
Fort de ses 2,5 %, Elliott avait attaqué Pernod Ricard sur deux fronts : sa rentabilité et sa gouvernance. Même si M. Ricard se défend de réagir aux injonctions de l'activiste, il annonce une évolution de la gouvernance du groupe. Lors de la prochaine assemblée générale, Pierre Pringuet, ancien directeur général du groupe, devrait présenter sa démission ainsi que Martina Gonzalez-Gallarza. Pour les remplacer, les noms de Philippe Petitcolin, patron de Safran, et d'Esther Berrozpe Galindo, qui a été dirigeante chez Whirlpool, seront proposées en tant qu'administrateurs indépendants.
Quant aux griefs sur la rentabilité, M. Ricard ne manque pas d'arguments. Le groupe a clôturé son exercice fiscal, fin juin, sur un chiffre d'affaires de 9,182 milliards d'euros, en croissance interne de 6 %, tirée par la Chine (+ 21 %) et l'Inde (+ 20 %). Son résultat d'exploitation s'élève à 2,581 milliards d'euros, en progression de 8,7 %, et le résultat net, à 1,455 milliard d'euros.
Laurence Girard