L'ex-vice-président, favori à l'investiture démocrate, perd de son avance sur Elizabeth Warren et Bernie Sanders
La course à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle américaine de 2020 va connaître une première inflexion significative. Seuls dix candidats, sur les vingt et un restants, un record, ont réussi, mercredi 28 août, à se qualifier pour le troisième débat, qui sera organisé dans deux semaines à Houston, au Texas.
Trois autres ont bien obtenu le nombre minimum exigé de donateurs (130 000, dans au moins 20 Etats), sans pour autant recueillir au moins 2 % des intentions de vote dans quatre sondages considérés comme représentatifs par la direction du Parti démocrate. Huit candidats n'ont pu répondre à aucun de ces critères. Cette sélection pourrait précipiter les renoncements parmi les recalés, comme l'a montré l'abandon, mercredi, de la sénatrice de l'Etat de New York, Kirsten Gillibrand.
Conséquence de cette simplification – que les sympathisants démocrates rencontrés par Le Monde à la foire annuelle de l'Iowa, à Des Moines, début août, disaient souhaiter ardemment –, les dix candidats sélectionnés débattront ensemble le 12 septembre. Les deux premiers débats s'étaient étirés sur deux soirées, les plateaux étant composés à la suite d'un tirage au sort.
Pour l'instant, l'ancien vice-président Jœ Biden, 76 ans, continue de faire figure de favori, même si son avance en termes d'intentions de vote s'est considérablement réduite depuis sa déclaration de candidature, en avril, selon les moyennes du site RealClearPolitics. Campant au centre, il fait de la dénonciation de la politique et du style de Donald Trump le cur de sa campagne.
Les deux premiers débats ont été au contraire profitables à la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, 70 ans. Après un début de campagne difficile, marqué par la controverse sur ses origines indiennes supposées, que le président Donald Trump ne cesse de tourner en ridicule en lui accolant le sobriquet de " Pocahontas ", cette figure de l'aile gauche démocrate, qui se revendique néanmoins " capitaliste ", a retourné la situation en sa faveur.
Elle a notamment su rendre populaire l'une de ses mesures-phares, un impôt de 2 % sur les fortunes supérieures à 50 millions de dollars. Au point que les " deux cents " gagnés sur chaque dollar taxé après ce seuil, qu'elle entend affecter à la santé, la dette étudiante et un plan environnement, sont devenus un slogan scandé par ses partisans lors de ses réunions publiques. Coup sur coup, le 20 août à Minneapolis (Minnesota) et le 26 août à Seattle (Etat de Washington), elle a réuni 12 000 et 15 000 personnes. Aucun autre candidat n'est parvenu à en faire autant pour l'instant.
La fin d'un monopoleLe sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, qui se définit comme " social-démocrate ", avait bénéficié de la même curiosité pour son programme et des mêmes foules, il y a quatre ans, lors d'une première candidature malheureuse à l'investiture face à Hillary Clinton. Le doyen de la course, qui aura 78 ans à la veille du troisième débat, peut toujours compter sur un solide réseau de fidèles et de donateurs, mais il ne dispose plus d'un monopole sur la gauche démocrate.
Derrière ce trio de septuagénaires, la sénatrice de Californie Kamala Harris, qui s'était distinguée lors du premier débat en attaquant frontalement Jœ Biden, marque le pas. Le benjamin de la course, Pete Buttigieg, jeune maire ouvertement homosexuel d'une ville moyenne de l'Indiana, un Etat républicain, continue de susciter la curiosité.
Pour les autres candidats, la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, le sénateur du New Jersey Cory Booker, l'ancien secrétaire au logement Julian Castro, l'ancien représentant du Texas Beto O'Rourke et l'homme d'affaires Andrew Yang, le débat du 12 septembre pourrait prendre des allures de quitte ou double.
Jœ Biden bénéficie pour l'instant d'un atout qui compense les gaffes à répétition dont il émaille ses prises de parole : sa capacité à gagner. Il écrase Donald Trump en termes d'intention de vote dans les duels fictifs proposés aux électeurs par les instituts de sondage, à l'échelle nationale comme au niveau des Etats – le plus pertinent puisque la présidentielle américaine est un scrutin indirect –, même si ces tests sont sujets à caution à plus d'un an de l'échéance.
Dans les Etats que les démocrates doivent absolument remporter pour battre Donald Trump, le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie, d'autres candidats arrivent également en tête, mais avec une marge plus réduite.
Un sondage du Pew Research Center, publié le 16 août, a montré que pour 21 % des électeurs démocrates interrogés, ce critère constitue la motivation principale de leur vote, loin devant le caractère du candidat ou de la candidate, ou encore ses positions quant à la santé, l'économie ou l'immigration.
Socle de fidèlesUn autre résultat de la même étude montre que la course reste très ouverte. Selon le Pew Research Center, une nette majorité de personnes interrogées assurent être intéressées par plusieurs candidats, alors que seulement 35 % concentrent leur attention sur leur premier choix. Bernie Sanders et Jœ Biden semblent pouvoir compter sur un socle de fidèles (51 % et 45 % des électeurs démocrates interrogés les privilégient), alors que 80 % et 78 % des personnes qui soutiennent Elizabeth Warren et Kamala Harris sont également intéressées par d'autres candidats.
En dépit de différences nettes entre les candidats sur le fonctionnement d'un système de protection sociale universelle, la fiscalité ou l'environnement, le clivage entre l'aile modérée et l'aile plus à gauche n'est donc pas pour l'instant le principal moteur de cette course à l'investiture démocrate. Ce qui rend son issue encore très incertaine.
Gilles Paris