Créé en 2013 après l'affaire Cahuzac, le service permettait aux contribuables de régulariser leur situation sans être poursuivis au pénal
C'est une conséquence de l'affaire Cahuzac. Le service mis en place en 2013, après qu'il avait été révélé que le ministre du budget de François Hollande possédait des fonds cachés à l'étranger, a permis à l'Etat de récolter 9,4 milliards d'euros. Ce département de Bercy offrait la possibilité aux contribuables français se trouvant dans la même situation que Jérôme -Cahuzac de régulariser leur situation avec la garantie de ne pas être poursuivis au pénal.
Le bilan de l'action du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), publié mercredi par Le Figaro, montre que l'initiative a porté ses fruits. Jusqu'à lafermeture complète du service, l'an dernier, 47 000 dossiers ont été traités, dont 11 300 en 2018.
Dans un cas sur deux, les personnes concernées ont bénéficié d'une succession. Pour 19 % d'entre elles, il s'agit d'" épargne exportée ", précise Bercy. Et 14 % des dossiers concernent une donation. D'ailleurs, la moyenne d'âge des contribuables qui se sont présentés au fisc tourne autour de 70 ans. Il s'agit souvent, pour eux, de " sécuriser la situation de leurs futurs héritiers ", constate le STDR.
La rentabilité de l'opération tend cependant à baisser sur la durée. Sur les 9,4 milliards d'euros récoltés de 2013 à 2018, la dernière année n'aura permis à l'Etat de percevoir que 940 millions d'euros, avec un montant moyen de droits et pénalités encaissés, par dossier, de 132 000 euros. Les plus gros contribuables n'ont, semble-t-il, pas attendu la dernière minute pour déclarer leurs dépôts à l'étranger.
Ainsi, la part des contrevenants ayant dû acquitter plus de 800 000 euros a chuté de 5 %, en 2016, à moins de 1 %, en 2018. De même, le montant des avoirs concernés a progressivement diminué, en tout cas pour les plus gros patrimoines. Les comptes dont les encours dépassaient 10 millions d'euros ne représentaient que 0,2 % des dossiers en 2018, alors qu'ils étaient 1,5 % en 2015.
" Evitement fiscal "Dans trois cas sur quatre (77 %), les fonds étaient cachés en Suisse. Le fait que de nombreux Français ayant de l'argent dans ce pays aient souhaité se mettre en règle " s'explique notamment par l'attitude des banques suisses incitant, depuis 2013, leurs clients à régulariser leur situation auprès de l'administration fiscale française ", note Bercy. Le Luxembourg en rassemblait 8 %, devant l'Union européenne (6,2 %) et les Etats-Unis (2,5 %). En revanche, un certain nombre de pays très accommodants fiscalement (Singapour, Hong Kong, Panama, Liechtenstein, Caïmans, Bermudes, Bahamas et Antilles néerlandaises) ont été peu concernés par ces régularisations : 2,1 % des dossiers, seulement.
" Cela confirme ce que nous disons depuis le début ", note Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français et auteur d'un rapport parlementaire sur " l'évitement fiscal international ", en 2018. " Sans liste crédible et sérieuse de paradis fiscaux, incluant les pays européens, la France ne sera pas à la hauteur. Il y a encore beaucoup de comptes en Suisse, malgré l'échange de données. Mais la France a fermé trop tôt cette cellule de dégrisement ! "
Ce n'est pas l'avis de Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Dans Le Figaro, il déclare en effet : " La France a laissé quatre ans et demi aux contribuables qui le souhaitaient pour régulariser leur situation. C'est assez. Avec l'échange automatique d'informations, un dispositif comme le STDR n'a plus d'intérêt, car nous obtenons directement l'information sur les comptes à l'étranger. "
Benoît Floc'h