La future présidente de la Commission doit tenir compte des ambitions des capitales et s'assurer que le Parlement valide son équipe
Ursula von der Leyen espérait connaître, le 26 août, le nom et le profil de tous les candidats désignés par les capitales pour envisager l'attribution des portefeuilles de la Commission européenne qu'elle présidera le 1er novembre, et commencer ses rencontres avec les intéressés. Après la désignation, le 28 août, de Sylvie Goulard par la France, elle n'attendait plus que le nom du futur représentant italien.
La responsable allemande a déjà effectué une mini-tournée dans certaines capitales. Elle va désormais prendre en compte les questions d'équilibre politique et de genre, et tenter d'intégrer les ambitions des différentes capitales. La France privilégie l'obtention d'un " gros " portefeuille à caractère économique et financier. La présidente devra aussi intégrer le fait que les chefs d'Etat et de gouvernement ont déjà promis des postes de vice-présidents à la libérale danoise Margrethe Vestager et au social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, candidats malheureux à la présidence.
Les eurodéputés procéderont à des auditions du 30 septembre au 8 octobre et voteront pour le nouveau collège le 23 octobre. Le passage de l'assemblée parlementaire par un exercice de trois heures, assorti de dizaines de questions, n'est pas un exercice de pure forme. Il est basé sur un questionnaire écrit auquel les prétendants doivent répondre préalablement pour démontrer leurs aptitudes et justifier leurs aspirations.
En 2014, avant la mise en place de la " team Juncker ", les eurodéputés avaient recalé une candidate slovène au portefeuille de l'énergie. Un membre du parti hongrois de Viktor Orban, le Fidesz, avait suscité la polémique parce qu'il était censé gérer la citoyenneté européenne. Finalement, Tibor Navracsics a dû se contenter d'un portefeuille amputé de cette compétence.
Limiter les risques de rejetJean-Claude Juncker avait initialement refusé six candidats. En sera-t-il de même pour Mme von der Leyen ? Elle voudra donc limiter le plus possible les risques de rejet à Strasbourg, alors que certains noms avancés par les capitales suscitent déjà le débat. Laszlo Trocsanyi, ancien ministre de la justice hongrois, actuel eurodéputé du Fidesz – toujours affilié au Parti populaire européen –, est déjà dans le viseur d'une partie du Parlement.
Comme les deux candidats proposés par le gouvernement roumain : Bucarest a avancé le nom de Rovana Plumb et de Dan Nica, des proches de l'ancien ministre et homme fort de la gauche Liviu Dragnea, incarcéré en mai. La première, ancienne ministre de l'environnement, puis de la gestion des fonds européens, est mise en cause pour des décisions favorables à une société proche de M. Dragnea. Le second est accusé d'avoir reçu des pots-de-vin.
Mme von der Leyen a, en revanche, déjà été confrontée au problème polonais : Krzysztof Szczerski, candidat désigné par le gouvernement ultraconservateur de Varsovie, a retiré sa candidature le 26 août. La présidente entendait confier le département de l'agriculture à cet eurosceptique, alors que son pays exigeait un portefeuille économique ou financier. Finalement, Varsovie a avancé (pour l'agriculture) le nom de Janusz Wojciechowski, un juge, eurodéputé de 1999 à 2019 et actuel commissaire à la Cour des comptes européenne.
Deux autres candidats sont sur la sellette. Le Lituanien Virginijus Sinkevicius, présenté comme un candidat " vert " (le seul), n'est pas reconnu comme tel par le groupe écologiste. " Il est membre d'un parti paysan dont nous abritons deux élus, mais il n'est pas membre du Parti vert européen ", précise le coprésident de ce groupe, Philippe Lamberts.
Didier Reynders, actuel ministre des affaires étrangères belge, est, lui, en butte à l'hostilité, dans son pays, de la droite nationaliste et de l'extrême droite flamandes, qui contestent sa désignation par l'actuel premier ministre et futur président du Conseil européen, Charles Michel.
La vraie difficulté pour l'ex-ministre allemande sera d'assurer, au sein de son collège, la stricte parité qu'elle a annoncée. Avant la décision de l'Italie, elle avait reçu les dossiers de quatorze hommes et de dix femmes seulement. Alors qu'à Strasbourg les députés comptent bien l'obliger à respecter sa promesse.
Sophie Petitjean et J.-p. S.