Le pari (presque) perdu de l'Allemagne

Une jolie flottille de 17 voiliers est venue accueillir dans le port de New York, ce mercredi 28  août, l'arrivée de la nouvelle Jeanne d'Arc du combat climatique mondiale, Greta Thunberg. La jeune Suédoise de 16  ans est invitée par le secrétaire général de l'ONU à s'exprimer au sommet sur le climat qui se tiendra en septembre. Sa voix adolescente émouvra plus sûrement les médias et les citoyens que les représentants des pays émergents les moins motivés ou le président Donald Trump. Mais elle aurait aussi bien pu s'éviter une pénible traversée de deux semaines sur un voilier de course " skippé " par le petit-fils du prince Rainier de Monaco, et rester en Allemagne où elle était en juillet.

Car le plus riche pays d'Europe est en train de perdre son pari énergétique. " Si cela continue, le gouvernement ratera les objectifs qu'il s'est fixés en matière d'énergie renouvelable ", résume le directeur adjoint de la chambre de commerce allemande, Achim Dercks, à nos confrères du Financial Times. Son propos se réfère à l'effondrement des implantations d'éoliennes sur le sol allemand. Le nombre de constructions nouvelles a chuté en  2019 de 80  % par rapport à 2018, elle-même en recul de plus de 40  % sur l'année précédente. En cause, comme ailleurs en Europe, le manque d'emplacements, les obstacles réglementaires et la rébellion des particuliers contre de nouvelles implantations. Or, compte tenu du faible potentiel du solaire sous ces latitudes, l'énergie du vent est devenue la pierre angulaire de toute la politique énergétique du pays.

Berlin s'est promis d'arrêter le nucléaire en  2022 et le charbon en  2038. Après l'accident de Fukushima en  2011, Angela Merkel a privilégié politiquement la peur du nucléaire plutôt que l'urgence climatique, laissant prospérer quinze ans de plus le charbon, gros pourvoyeur d'emplois et de gaz à effet de serre. Et après des centaines de milliards d'investissement dans sa transition energétique, l'impact climatique est pour l'instant quasiment nul alors que l'éolien représente déjà 25  % de l'électricité produite et qu'il sera difficile d'aller plus loin. A méditer sur les bancs des Nations unies.

par Philippe Escande, Philippe Escande

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