Claude Nougaro, au cœur rythmique de la musique

Un coffret de vingt-quatre CD regroupe les enregistrements en studio du chanteur, de 1958 à sa mort en mars 2004

En  2014, pour marquer les dix ans après la mort de Claude Nougaro (le 4  mars  2004, à l'âge de 74  ans), plusieurs coffrets avaient été publiés. L'Amour sorcier regroupant des enregistrements de labels de la major du disque Universal Music, et Made in USA et In Paris, pour ceux au catalogue de Warner Music.Avec en accroche sur un autocollant " 90e anniversaire ", référence à sa naissance (Toulouse, 9  septembre  1929), le chanteur bénéficie aujourd'hui d'un nouveau coffret, Le Feu sacré, intégrale des enregistrements studio de 1958 à 2004, collaboration cette fois entre les deux maisons.Le prétexte anniversaire en vaut bien d'autres pour célébrer le fou des mots – les siens – en alliance avec les rythmes, mélodies et formes des musiques du jazz, de la soul, du Brésil, de l'Afrique noire, avec passage vers une manière funk-pop à la fin des années 1980. En ouverture de cet ensemble de vingt-quatre CD (317 titres), le premier album de Nougaro, publié en octobre  1958, avec quelques inédits de ses débuts. Encore un peu retenu, mais déjà des mots mis sur une composition d'un grand du jazz, Jeru, de Gerry Mulligan, qui devient Le Piano de mauvaise vie.

Puis c'est l'envol, la grande manière de Nougaro, un âge d'or d'une vingtaine d'années, avec les enregistrements produits pour Philips de 1962 à 1974 puis Barclay de 1977 à 1985. Le phrasé est celui d'un instrumentiste, que cela soit lorsque le chant se fait flot d'attaques et rebonds ou devient caresse émouvante. Avec un sens du tempo, du débit toujours attentif au cœur rythmique de la musique.

Seigneurs du jazz

Ces années-là, ce sont celles d'Une petite fille, Cécile ma fille, Je suis sous…, A bout de souffle, Armstrong, Toulouse, A tes seins, L'Amour sorcier, Paris mai, ces deux-là qui explorent précocement l'Afrique vers laquelle -Nougaro reviendra avec Locomotive d'or (1973), Ile de Ré, Mon disque d'été… les virées brésiliennes de Bidonville, Brésilien (" mon frère d'armes "), Tu verras. Avec -Nougaro, il y a des seigneurs du jazz, en fidélité, le pianiste -Maurice Vander, l'organiste Eddy Louiss, les contrebassistes Guy -Pedersen, Pierre -Michelot, Luigi Trussardi, le guitariste Pierre -Cullaz, les batteurs Christian -Garros, Daniel -Humair, Charles Bellonzi…

Les sections de vents sont à tomber, dans le swing du big band ou lorsque Nougaro avance vers la soul music (Pauvre Nougaro, dès 1963, Quatre boules de cuir et son " boxe boxe ", que James Brown aurait pu faire sien). Les saxophonistes Michel Portal ou Ornette Coleman (Gloria, 1975) viennent faire un tour. Aldo Romano lui compose le superbe Rimes (1981). Pour son dernier album chez -Barclay, Bleu Blanc Blues, en  1985, son trio est constitué de Maurice -Vander, Pierre Michelot et Bernard Lubat à la batterie.

Puis c'est la parenthèse américaine, à la fin des années 1980, pour WEA (alors l'une des structures de Warner). Le succès de la chanson et de l'album Nougayork, paru en octobre  1987. Claquement funk (Nile Rodgers, guitare, -Marcus Miller, basse) et sonorités de claviers dans le son de l'époque. Diffusions radio, 500 000 exemplaires vendus. Pacifique suivra, vaguement évocateur de la Côte ouest (Pacifique, Los Angeles Eldorado). Les années 1990, chez Mercury, sont moins déterminantes. Embarquement immédiat (2000), pour EMI, est un sursaut réussi en big band avec arrangements d'Yvan Cassar. Nougaro meurt le 4  mars  2004. Il préparait un nouveau disque, qui sera publié chez Blue Note fin novembre. Voix lointaine, épuisée, qui fait de La Note bleue un final crépusculaire.

Ici et là, quelques extraits de disques enregistrés en public sont ajoutés. Et puis il y a l'intégralité de deux albums de concerts. Une voix, dix doigts, épure du duo Claude Nougaro et Maurive -Vander, enregistré en septembre  1991 à Blagnac. Et Hombre et lumière, à Toulouse, en juillet  1998. Vander est au piano, la petite formation compte dans ses rangs le guitariste Jean-Marie Ecay, le bassiste Laurent Vernerey et le batteur Loïc Ponthieux. Des trentenaires que Nougaro mène au plus haut.

Sylvain Siclier

Droits de reproduction et de diffusion réservés Le Monde 2019.
Usage strictement personnel.

L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.