Tout comme son patron Gilles Pélisson, Ara Aprikian, le grand maître des programmes du groupe TF1 ne doute pas un instant de la viabilité des chaînes en clair. Les analystes de la banque américaine Morgan Stanley peuvent écrire note après note – la dernière, en juin, avait prédit, face à Netflix, un avenir sombre aux chaînes de télévision dont le modèle économique repose largement sur la publicité –, cet ancien de Canal+ mise sur le contenu et en particulier sur la fiction française.
" C'est l'une des rentrées les plus ambitieuses de TF1 de ces dernières années ", affirme le directeur général adjoint du groupe TF1, chargé des contenus. Et celui-ci de détailler les nouvelles fictions, à la fois françaises et américaines, les événements sportifs à venir, en particulier la Coupe du monde de rugby, à l'automne,et la nouvelle émission de divertissement " Mask Singer ", un concept venu de Corée du Sud, où il s'agira de découvrir l'identité du chanteur ou de la chanteuse cachée sous un déguisement.
Entre concours de chant et enquête policière, " c'est un carton d'audience aux Etats-Unis et en Allemagne ". Bref, argue-t-il, la télévision traditionnelle n'est pas morte, elle s'adapte, propose de nouveaux contenus et les annonceurs publicitaires sont toujours présents. Au premier semestre, le chiffre d'affaires publicitaire s'est élevé à 836 millions d'euros, en hausse de 2,9 % sur un an. " Que font les plates-formes lorsqu'elles veulent faire de la promotion ? Elles se tournent vers la télévision ", souligne-t-il malicieusement.
" Nouer des alliances "Outre une fiction inspirée par l'affaire Dupont de Ligonnès (un quintuple meurtre non élucidé survenu à Nantes en 2011), La Part du soupçon, de Christophe Lamotte, avec Kad Merad, l'un des temps forts de la grille du numéro un de la télévision privée française sera une mini-série historique dans le Paris du XIXe siècle. Intitulée Le Bazar de la charité, de Catherine Ramberg, et Karine Spreuzkouski, elle sera coproduite avec Netflix ! " Avant, nous étions sur des marchés nationaux protégés, aujourd'hui, nous sommes sur des marchés très fortement dérégulés et mondiaux, explique M. Aprikian. Il nous faut une taille critique pour financer des contenus à valeur ajoutée qui se distinguent de la concurrence. Cela oblige à être capable de nouer des alliances sur certains projets ou certaines grandes fictions comme Le Bazar de la charité. " Voici venu le temps de " modèles plus mixtes et complexes, à la fois de compétition et de coopération ".
Le lancement programmé au premier trimestre 2020 de Salto, la plate-forme de vidéo à la demande commune avec France Télévisions et M6, en est une autre illustration. " On verra à quel point on peut être fier de la qualité de l'offre française tous genres confondus ", dit-il. Une étape supplémentaire, surtout, souligne le dirigeant de TF1, dans la transformation du groupe menée par Gilles Pélisson depuis trois ans : " Entre TF1, TMC, LCI, TFX et TF1 Séries Films, nous avons déployé une stratégie multichaîne qui s'adresse à différents publics, avec une offre de la plus populaire, au sens noble du terme, à la plus pointue. "
Et même si des groupes américains comme Disney préparent leurs propres plates-formes de streaming, TF1 continue à faire ses emplettes outre-Atlantique, avec une douzaine de nouvelles séries (New Amsterdam, Prodigal Son, Lincoln, Emergence…). Là encore, les prédictions les plus sombres ne se réalisent pas. " Les studios américains n'ont pas arrêté de vendre. On a acquis auprès de Disney, de Warner et de CBS des séries que l'on souhaitait. On continue de travailler comme avant. Sera-ce encore le cas demain ou après-demain ? C'est difficile à dire, c'est pour cela que nous renforçons notre offre de fiction locale. "
Fr. Bo.