Le plan Paulson ne suffit pas à rassurer

L'adoption du plan de sauvetage des banques ne compense pas les inquiétudes croissantes sur la détérioration de l'économie réelle

La nouvelle mouture du plan de sauvetage des banques américaines présentée vendredi 3 octobre a réussi à vaincre les dernières réticences des élus américains. L'adoption du plan Paulson n'a toutefois pas suffi à rassurer les marchés. Le Dow Jones a perdu 1,5 % vendredi, ce qui a porté son repli à 7,34 % sur cinq jours. Pour sa part, l'indice CAC 40 de la Bourse de Paris a limité son recul à 1,98 %.

La semaine avait mal commencé avec le rejet par la Chambre des représentants, lundi, du plan Paulson. En une seule séance, le Dow Jones s'est effondré de 6,96 %, une baisse record en points (proche des 800 points). Le CAC 40, lui, chutait de 5,04 %.

Un moindre mal, car la semaine écoulée a confirmé ce que beaucoup d'experts redoutaient : la crise financière a franchi l'Atlantique et devrait provoquer une récession en Europe. Une perspective qui risque de peser sur les actions dans les prochains mois. " Les bénéfices des entreprises pourraient être revus à la baisse de 20 % à 30 % en 2009. Au niveau actuel, on ne peut pas dire que les actions soient bon marché, car personne ne sait ce qu'il adviendra en 2009 ", note Jean-Charles Mériaux, directeur général de la société de gestion DNCA Finance.

En Europe, la semaine a aussi été rythmée par les bisbilles du couple franco-allemand, qui s'est déchiré au sujet du projet - finalement abandonné - de plan de sauvetage bancaire au niveau européen, et par les secours apportés à des établissements financiers.

Lundi, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas ont mobilisé 11,2 milliards d'euros pour sauver la banque Fortis. Mardi, l'Etat français, la Caisse des dépôts, la Belgique et le Luxembourg injectaient 6,4 milliards d'euros pour aider la banque franco-belge Dexia.

Les banques sont toujours aussi frileuses pour se prêter de l'argent. Aucun répit n'a été observé sur le marché interbancaire. Au contraire, le taux au jour le jour est monté jeudi jusqu'à 6,9 % aux Etats-Unis, à son plus-haut depuis sept ans. " Ce seul chiffre, alors que le taux directeur de la Réserve fédérale - Fed - est de seulement 2 %, suffit à mesurer l'ampleur de la crise actuelle ", commente un opérateur.

" LONGUE RÉCESSION "

Jeudi, le comité monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a laissé inchangés ses taux directeurs. Son président Jean-Claude Trichet a néanmoins infléchi son discours, reconnaissant que les risques inflationnistes avaient diminué dans la zone euro. " Le pic d'inflation est derrière nous, déclare Valérie Plagnol, directeur de la stratégie chez CM-CIC Securities et membre du Conseil d'analyse économique. J'anticipe une baisse des taux lors de la prochaine réunion du comité monétaire de la BCE, le 29 octobre. " Une détente monétaire qui devient urgente. Vendredi, l'Insee a annoncé qu'elle prévoyait un tassement du PIB en France de 0,1 % au troisième, puis au quatrième trimestre.

Aux Etats-Unis aussi, une récession semble de plus en plus inévitable. Pour preuve, les mauvais chiffres du chômage publiés vendredi. En septembre, 159 000 emplois ont été détruits, un chiffre supérieur aux prévisions. A 6,1 % de la population active, le chômage est au plus haut depuis septembre 2003. " Il n'y a plus de doute, estime Mme Plagnol. On va vers une récession longue et sévère aux Etats-Unis, caractérisée par une contraction du crédit et par une crise immobilière. La principale inconnue est l'ampleur de la récession, qui sera atténuée par une injection massive d'argent public. "

Face à ces perspectives, la Fed devrait baisser ses taux lors de sa prochaine réunion, le 29 octobre.

En attendant, les sauvetages bancaires se poursuivaient. Vendredi, les gouvernements belge, néerlandais et luxembourgeois annonçaient le démantèlement de Fortis, annulant ainsi l'accord trouvé en début de semaine. Les activités du bancassureur aux Pays-Bas passeront ainsi à 100 % aux mains de l'Etat néerlandais, l'Etat belge prenant 49 % de Fortis Bank (Belgium). Montant de l'opération : 16,8 milliards d'euros.

Jérôme Porier

Droits de reproduction et de diffusion réservés Le Monde 2008.
Usage strictement personnel.

L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.