En choisissant de porter à l'écran Miracle à Santa Anna, sorti en Italie le 3 octobre, le cinéaste américain Spike Lee a déclenché une polémique à la hauteur de ce pays qui n'en finit pas de solder son histoire compliquée. Le film, tiré d'un roman de John McBride, raconte l'histoire véridique de quatre soldats noirs américains pris au piège en Italie pendant la seconde guerre mondiale. Il évoque notamment le massacre par des soldats allemands de 560 civils dans le village de Stazzema (Toscane) et laisse entendre que cette tuerie aurait pu être évitée si un résistant avait, comme il l'aurait dû, prévenu les habitants de l'arrivée de la Wehrmacht.
" Il s'agit d'une version erronée " des faits, s'est indigné l'écrivain Giorgio Bocca, ancien résistant, dans une tribune parue le 1er octobre dans La Repubblica. " Spike Lee a-t-il la moindre idée de ce qu'est un combat mené par des résistants ?, poursuit-il. Il s'agit justement de surprendre, de frapper et de fuir dans le but de faire mal à l'ennemi et de réussir à survivre. "
Prudemment, James McBride avait pris les devants en s'excusant " d'avoir heurté la sensibilité des résistants ". Il a rappelé : " Mon histoire est une fiction, une version romancée. " Orgueilleux, Spike Lee n'avait rien cédé : " Les résistants ? Souvent, ils prenaient la fuite et ils abandonnaient les populations aux représailles ", a-t-il lancé.
Après un sit-in d'anciens partisans à Viareggio, mercredi 1er octobre, lors de l'avant-première du film, le cinéaste américain a choisi de prendre de la hauteur. S'exprimant lui aussi dans La Repubblica, il a affirmé, jeudi 2 octobre, qu'il n'était " pas un ennemi des partisans ". " Les réactions viscérales de ces derniers jours me font penser que la blessure profonde qui s'est ouverte en Italie pendant la seconde guerre mondiale n'a pas encore cicatrisé. " " Je connais l'histoire ", a-t-il insisté.
Cette polémique fait quelques heureux : les producteurs de Miracle à Santa Anna et le maire de Stazzema, Michele Silicani (PD, centre gauche). Il assure que tout cela " n'est qu'un nuage de poussière " et se réjouit qu'un " grand réalisateur fasse parler de notre terre. Cela nous fait du bien, et ça aide le tourisme ".
Philippe Ridet