Joshua Benjamin Jeyaretnam

Avocat de formation, il a consacré sa vie au combat pour les libertés publiques et la justice sociale à Singapour

Joshua Benjamin Jeyaretnam, l'avocat devenu politicien qui a incarné depuis une trentaine d'années le combat pour les libertés publiques et une plus grande justice sociale à Singapour, est mort, mardi 30 septembre, d'une crise cardiaque dans la Cité-Etat à l'approche de la dernière bataille politique de sa vie. Il avait 82 ans.

Connu sous ses initiales " JBJ ", ce fils de la communauté des Tamouls d'Inde dispersée par l'empire colonial britannique en Asie du Sud-Est, était né le 5 janvier 1926. Anglican, juge formé à Londres, puis avocat renommé, il s'était jeté dans la chose publique avec un appétit remarqué dans les années 1970, en réanimant le Parti des travailleurs, une formation tombée en sommeil lors de la proclamation de l'indépendance complète de Singapour (1965) sous la houlette du " père fondateur ", Lee Kwan Yew. Il a passé sa vie depuis lors à s'opposer, dans une lutte aux proportions juridiques épiques, aux conceptions autoritaires de M. Lee, dont le People's Action Party (PAP) règne en maître quasi absolu sur la ville depuis lors. L'essentiel du credo du PAP s'articule sur une conception autocratique du pouvoir pour un progrès économique dans la discipline où la contestation n'a qu'une place réduite.

Accablé de dettes à la suite de condamnations en justice pour " diffamation " envers la famille Lee et des proches dans l'administration, JBJ a été interdit de vie politique à deux reprises pour banqueroute. Mais il comptait à nouveau se présenter à des élections en 2011 à la tête d'une nouvelle formation, le Parti de la réforme.

JBJ avait fait irruption sur la scène en 1981 en devenant le premier politicien d'opposition à se voir élu contre le PAP au Parlement depuis la disparition des derniers à la fin des années 1960. La circonscription qui l'avait élu fut démantelée par la suite. De penchant social-démocrate, il prônait un contrôle plus étroit des prérogatives répressives de l'Etat et un filet social de sécurité pour les plus humbles, s'attirant l'étiquette de " communiste " - ce qu'il ne fut jamais - auprès de ses ennemis.

Dans une altercation restée célèbre, alors qu'il faisait face à une attaque en justice de la part du pouvoir, il avait apostrophé Lee Kwan Yew, premier ministre, en lui demandant si celui-ci comptait " le détruire ". " Politiquement, oui ", lui avait rétorqué M. Lee. Le fondateur de Singapour a écrit n'avoir vu en Jeyaretnam qu'" un poseur avide de publicité, qu'elle soit bonne ou mauvaise ".

Rayé du barreau pour faillite en 1986, un temps placé sous les verrous, il avait obtenu sa réhabilitation en justice et, en 1997, était redevenu député sans circonscription, à la faveur de la règle proportionnelle, pour à nouveau tomber sous une avalanche de procès. On verrait son visage célèbre encadré de pattes pileuses blanches abondantes dans des stations de métro ou des centres commerciaux, alors qu'il vendait ses livres à la sauvette pour rassembler le soutien financier du public. Il a estimé avoir laissé près de 1 million de dollars américains en amendes et frais de justice au fil de ses déboires.

Le premier ministre Lee Hsien Loong, fils de Lee Kwan Yew, a exprimé son " respect " pour la " ténacité " de Jeyaretnam dans ses convictions, dont il a regretté qu'elles n'aient " en rien contribué à l'édification d'une opposition constructive ou à notre tradition parlementaire ".

M. Lee Jr. et son prédécesseur, Goh Chok Tong, se sont tous deux défendus dans leurs messages de condoléances d'avoir donné des consignes risquant d'empêcher les deux fils du défunt politicien d'obtenir des emplois à la mesure de leurs compétences à Singapour.

Francis Deron

5 janvier 1926

Naissance.

1981

Elu au Parlement contre le parti de Lee Kwan Yew.

1986

Rayé du barreau.

30 septembre 2008.

Mort à Singapour.

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