Gordon Brown fait appel à l'" expérience " pour renforcer le gouvernement britannique

En difficulté dans les sondages, le premier ministre a remanié son équipe, vendredi 3 octobre. Il y a fait entrer le blairiste Peter Mandelson, commissaire européen au commerce

La crise financière et économique qui sévit en Grande-Bretagne apporte un second souffle à Gordon Brown. Le premier ministre britannique donne enfin l'impression, après une année de flottement et de chute dans les sondages, d'être aux manettes. Et le remaniement ministériel qu'il a annoncé, vendredi 3 octobre, n'a pas les allures défensives qu'il aurait eues s'il avait été décidé il y a un mois. A l'époque, M. Brown était de plus en plus contesté au sein de son parti et de son équipe, et s'il envisageait de remanier son gouvernement, c'était d'abord pour s'assurer un environnement moins hostile.

L'heure n'est plus aux querelles internes, veut désormais croire M. Brown - qui, en succédant à Tony Blair en juin 2007, avait écarté les plus fidèles alliés de son prédécesseur -, mais à la réconciliation et à la mise en commun des compétences pour gérer au mieux la récession qui s'annonce.

" PRINCE DES TÉNÈBRES "

La nomination de Peter Mandelson comme ministre du commerce est de ce point de vue symptomatique. L'actuel commissaire européen au commerce, l'un des concepteurs du New Labour aux côtés de M. Blair et de M. Brown, était en mauvais termes avec le premier ministre depuis qu'il avait soutenu la candidature de M. Blair en 1994 pour porter le drapeau travailliste. Il y a eu " des hauts et des bas ", a reconnu M. Mandelson vendredi. " Gordon et Peter se détestent véritablement ", écrit Alistair Campbell, l'ancien directeur de la communication de M. Blair, dans ses Mémoires publiées en 2007.

Celui que la presse appelle " le prince des ténèbres ", en référence à ses talents de conspirateur, ne fait pas l'unanimité en Grande-Bretagne : M. Mandelson a été deux fois ministre de M. Blair, au commerce et à l'industrie, entre juillet et décembre 1998, puis à l'Irlande du Nord entre 1999 et janvier 2001 ; deux fois il a dû démissionner, la première pour s'être vu octroyer un prêt par un donateur du Labour, et la seconde pour avoir été soupçonné d'avoir aidé un milliardaire indien à obtenir un passeport.

Dans ce dernier cas, il a été blanchi, mais ces affaires ont entamé son capital confiance. Qui plus est, il incarne ces " spin doctors " - conseillers en communication - dont M. Blair usait et abusait, et qui ont fini par exaspérer. Mais le premier ministre mise d'abord sur les compétences et la réputation d'expertise de M. Mandelson.

M. Brown, vendredi, a vanté les mérites de sa nouvelle recrue, son " expérience et son expertise sans égales ". Avant d'ajouter : " Nous avons besoin de gens qui ont ce brio et cette expérience alors que nous entrons dans l'inconnu. " Depuis que la crise financière s'est intensifiée, au sortir de l'été, M. Brown a joué cette carte de l'expérience. Lui qui a passé dix ans au ministère de l'économie avant d'entrer au 10 Downing Street, martèle qu'il est l'homme de la situation. Avec pour l'instant un certain succès : alors que fin août, le travailliste affichait 20 points de retard sur David Cameron, son concurrent conservateur, dans la perspective des élections législatives prévues à la mi-2010, il a, depuis deux semaines, réduit cet écart de moitié.

Autre figure du blairisme à rejoindre le gouvernement : Margaret Beckett, qui fut ministre des affaires étrangères de M. Blair, devient secrétaire d'Etat au logement. Geoff Hoon, qui fut le ministre de la défense, est nommé aux transports. M. Hoon était jusqu'à présent chargé d'assurer la discipline de vote des députés travaillistes. " Je veux faire venir toutes les compétences qui peuvent nous aider ", a expliqué M. Brown, " nous avons besoin de gens sérieux en ces temps sérieux ". M. Brown a par ailleurs créé un nouveau ministère regroupant les secteurs de l'énergie et du réchauffement climatique, qui revient à Ed Miliband - frère de David, le ministre des affaires étrangères -, l'un des proches conseillers de M. Brown. Enfin, le premier ministre a mis sur pied un comité de crise économique composé de membres du gouvernement et d'hommes d'affaires.

Et, puisque l'heure est à l'union, M. Brown a choisi de ne pas toucher aux autres membres clefs de son gouvernement, même ceux qui, comme David Miliband, se verraient bien prendre sa place.

Virginie Malingre

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