21.42 HISTOIRE
La vie privée des chefs-d'oeuvre

N'est pas Alain Jaubert qui veut. L'auteur de la série " Palettes " a fait des émules outre-Manche qui, avec une série intitulée " La Vie privée des chefs-d'oeuvre ", tentent en vingt-trois épisodes d'analyser autant de tableaux. A voir le premier numéro consacré au Déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet (1832-1883), on mesure la difficulté de l'exercice.

A commencer par la description de l'oeuvre. Celle des historiens d'art convoqués pour l'occasion est des plus sommaires : l'un pense la composition centrée sur la femme nue de gauche, l'autre parle de trois personnages. Or ils sont quatre, avec la femme de l'arrière-plan qui forme le sommet du triangle de la composition. Elle se livre " à une tâche indéfinie ", dit un des commentateurs, qui, lui au moins, l'a vue. En fait, elle se baigne, donnant au tableau le premier titre sous lequel il fut exposé : Le Bain fit scandale au Salon de 1863. Précisément à cause de ce quatrième personnage, au moins aussi troublant que la créature voluptueuse du premier plan. Car enfin, elle se lave et, au XIXe siècle, la contraception passe souvent par les ablutions. D'où ce surnom de La Partie carrée que lui donnèrent ses contemporains.

Pour le reste, l'imagination de nos historiens d'art fait plaisir à entendre. L'un d'eux perçoit même dans la présence d'une grenouille dans l'herbe le symbole de la vérole dont était atteint Manet. Plus intéressante est la dernière partie, qui montre la postérité du tableau, des cent cinquante versions qu'en donna Picasso à celles d'Alain Jacquet, sans oublier le commentaire féministe de Renée Cox et la version en trois dimensions réalisée en 1994 par le sculpteur américain John Seward Johnson.

Harry Bellet

SÉRIE DOCUMENTAIRE

(GB, 2005).

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