Nationalisé aux Pays-Bas, le bancassureur Fortis va être démantelé

Le gouvernement néerlandais a été poussé à agir à la suite de retraits massifs susceptibles de mettre en péril le précédent plan de sauvetage

Le groupe de banque et assurance Fortis va être démantelé suite à un rachat de la quasi-totalité de ses activités aux Pays-Bas par l'Etat néerlandais. La transaction, qui s'élève à 16,8 milliards d'euros, inclut les actifs d'ABN Amro acquis en 2007 par le groupe belgo-néerlandais. Cette opération de nationalisation, annoncée simultanément, vendredi 3 octobre, par les gouvernements de Bruxelles et de La Haye aurait été rendue obligatoire par des mouvements de capitaux " énormes " observés au cours des derniers jours par la Banque centrale néerlandaise, selon un porte-parole de l'institution.

Les détenteurs de comptes chez Fortis auraient procédé à des retraits massifs susceptibles de mettre en péril l'opération conjointe de sauvetage de la banque élaborée, dimanche 28 septembre, par les trois Etats du Benelux. Ils avaient injecté au total 11,2 milliards - dont 4 milliards par les Pays-Bas. Les gouvernements ont commencé de nouvelles négociations secrètes mardi 30 septembre.

Au cours des derniers jours, les problèmes de liquidités rencontrés par Fortis se seraient aggravés, suite au refus d'autres banques de lui prêter de l'argent. Le gouvernement du chrétien-démocrate Jan Peter Balkenende a, dès lors, jugé utile de " prendre ses responsabilités " en faveur d'une institution décrite par le ministre des finances, Wouter Bos, comme " cruciale pour la stabilité et l'intégrité financière " de son pays. Financée par l'émission d'emprunts, la nationalisation devrait être temporaire, a indiqué M. Bos. Fortis sera privatisée " lorsque le calme sera revenu ".

FIN DES RÊVES D'EXPANSION

L'initiative de La Haye a sans doute été encouragée par un autre élément : l'absence de candidat pour le rachat de la part d'ABN Amro que Fortis avait acquise en 2007, pour quelque 24 milliards. Fortis avait récupéré les activités de banque commerciale, de détail, de gestion du patrimoine et d'investissement international d'ABN.

En obtenant, à un prix particulièrement intéressant, ce pan d'activités, les responsables néerlandais assurent leur contrôle partiel sur le premier établissement bancaire national, qui était menacé de démantèlement. Ils contrôleront 40 % de parts de marché dans le domaine du financement des entreprises. Enfin, ils pourront poursuivre, mais aux conditions qu'ils fixeront eux-mêmes cette fois, l'intégration entre Fortis et ABN Amro. Dernier élément, non négligeable : ils rassurent les 30 000 salariés de l'ancien fleuron national, qui redoutaient les conséquences d'une intégration au sein de Fortis - lequel emploie 15 000 personnes aux Pays-Bas.

Quelles seront les conséquences de l'opération du côté belge ? Pour les responsables gouvernementaux à Bruxelles, l'essentiel est assuré, à savoir la solvabilité du groupe. Il reste à savoir comment évoluera le cours de l'action, toujours très fragile, alors que Fortis Belgique est désormais privée d'une part importante de ses actifs. L'éclatement de l'ensemble belgo-néerlandais marque, en tout cas, la fin des rêves d'expansion du groupe, qui était devenu n° 1 en Belgique et n° 2 aux Pays-Bas. Il est né dans les années 1990, après la fusion transfrontalière entre les groupes d'assurances AG (belge) et AMEV-VSB (néerlandais). Par la suite, le groupe a intégré successivement la CGER et la Générale de banque.

Le rêve d'expansion avec ancrage belge entretenu par l'ex-président du conseil de Fortis, le vicomte Maurice Lippens, s'est toutefois fracassé sur la crise des subprimes américaines et sur le rachat ABN Amro, dont la nouvelle direction estime désormais qu'il fut " tout simplement un pas de trop pour Fortis ". M. Lippens a démissionné le 29 septembre en voyant s'effondrer sa construction tout en ayant la satisfaction malgré tout qu'elle ne passe pas sous contrôle étranger, ce qui était son obsession. Le démantèlement intervenu vendredi est, cependant, une autre défaite pour lui. Et pas la dernière peut-être : les rumeurs indiquent que Fortis pourra aussi mettre en vente sa branche belge d'assurances.

Jean-Pierre Stroobants

Droits de reproduction et de diffusion réservés Le Monde 2008.
Usage strictement personnel.

L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.