Avoir son conjoint dans le nez, une affaire d'ADN ?

Des facteurs génétiques pourraient, en plus des facteurs sociaux, influer sur la composition des couples

Vous croyez avoir librement choisi votre conjoint(e) ? Pas si sûr. Apparemment affranchis, dans nos sociétés modernes, des considérations sociales, religieuses ou financières qu'imposait autrefois l'entourage, nous n'en continuons pas moins, dans la plupart des cas, à nous associer à une personne issue d'un milieu proche du nôtre. Et ce n'est pas tout : selon une récente étude, le choix de notre élu(e) pourrait aussi, en partie, être affaire de gènes. Ou d'odorat - ce qui, en l'occurrence, revient au même.

Dans les années 1990, diverses équipes de recherche demandèrent à des hommes et à des femmes de bonne volonté de renifler des tee-shirts portés par des personnes du sexe opposé, puis de les classer à l'odeur par ordre de préférence. Pourquoi cet étrange rituel ? Parce que, parmi les 300 à 400 éléments estimés composer l'odeur corporelle humaine, certains sont corrélés à la composition du système HLA (ou complexe majeur d'histocompatibilité), une région du génome essentielle au système immunitaire. Une " signature " olfactive que l'on soupçonne, au vu de résultats obtenus chez la souris, d'être déterminante dans le choix de notre partenaire sexuel.

" Les gènes du système HLA permettent de détecter l'intrusion d'agents pathogènes dans notre organisme et de déclencher une réponse immunitaire. Il est donc possible que nous ayons une tendance à choisir un conjoint ayant des gènes HLA différents des nôtres, de façon à ce que nos enfants puissent résister à un plus grand nombre d'infections ", explique Raphaëlle Chaix. Hypothèse séduisante mais jusqu'alors invérifiée, l'inspection olfactive des tee-shirts s'étant avérée peu fiable. D'où les travaux menés par cette généticienne du Muséum de Paris (laboratoire éco-anthropologie et ethnobiologie, associé au CNRS), en collaboration avec des chercheurs britanniques et chinois, dont les conclusions ont été publiées le 12 septembre dans la revue PLoS Genetics.

" INTERACTIONS COMPLEXES "

Yoruba du Nigeria d'une part, mormons d'Utah de l'autre : dans chacune de ces deux populations, les chercheurs ont retenu trente couples maritaux, afin d'analyser s'ils étaient génétiquement plus différents au niveau de leur système HLA que des individus tirés deux par deux au hasard. Chez les Yoruba, ils n'ont observé aucun " effet HLA " sur le choix du conjoint - du fait, pensent-ils, de la prédominance des facteurs sociaux.

Dans la population américaine, en revanche, une tendance significative à choisir un conjoint " HLA différent " a été mise en évidence. Pour Evelyne Heyer, responsable de l'équipe " génétique des populations humaines " du Muséum, ces deux résultats ne sont pas contradictoires. Ils illustrent seulement " les interactions complexes que peuvent nouer facteurs biologiques et sociaux, sans que les uns prennent systématiquement le dessus sur les autres ". Et soulignent la nécessité d'étendre ces travaux à un plus grand nombre de populations, afin de mieux appréhender la diversité humaine.

Catherine Vincent

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