La mode, comme antidote à la crise

Journée radieuse avec Chanel, Castelbajac, Valentino et McQueen

La journée du vendredi 3 octobre a démarré de façon " pêchue " - comme disent les adolescents -, avec le défilé de Karl Lagerfeld pour Chanel.

Par la magie du décor - reconstitution de l'immeuble de la rue Cambon -, les filles semblaient entrer et sortir de la légendaire boutique parisienne. Elles ont martelé le macadam en conquérantes, vêtues de tailleur de tweed tissé à gros points dans des tons nacrés de rose et gris perle, et balançant à bout de bras un " shopping bag ", de cuir noir ou blanc. La veste est miniaturisée façon boléro, les sautoirs de Coco s'accrochent sur une hanche, les souliers se taillent dans du plexi transparent tandis que la nouvelle guitare griffée Chanel s'offre une housse matelassée en cuir neige. L'allure est dynamique, la silhouette élancée sous une robe de soie lamée avec collants " à la française " voilant le genou, et brodequins de satin vieux rose découvrant les orteils...

LEGO MULTICOLORES

L'humour, antidote contre la crise, a investi le défilé de Jean-Charles de Castelbajac, avec robes Mickey, barboteuses imprimées nuages blancs sur ciel bleu, ou lunettes, fourreaux et casquettes... imprimés de Lego multicolores, célébrant une récente association entre le créateur de mode et la maison de jouets danoise. On aime les souliers vernis en forme de museau de Mickey, le trench en vinyle transparent juste gansé de ruban encre et, pour le soir, la robe noire au zip qui fait le tour de la silhouette comme on épluche une orange.

La femme Valentino, vue par Alessandra Facchinetti, sort le jour en short fluide avec veste cintrée et ballerines assorties, dans une monochromie de soie bleu roi, vert canard, vermillon, violet ou chocolat. Le soir venu, les fourreaux courts ou longs au délicat plissé empruntent une esthétique classique comme l'aimait Valentino, dans des tons de chair, avec juste ce qu'il faut de plastron rebrodé de coquillages clairs ou de mitaines bijoux.

En fin de soirée, le carton d'invitation d'Alexander McQueen (une photo en 3 D de son visage, alternant avec un crâne de mort), puis le lieu du défilé (les anciennes Pompes Funèbres de Paris) laissaient craindre le pire. A l'intérieur, un cortège de bêtes empaillées - dont un somptueux éléphant et un ours polaire - pouvait glacer les invités déjà frigorifiés par les températures nocturnes. Mais à l'exception de quelques imprimés fémurs et colonnes vertébrales, la collection s'est montrée plus jouissive que prévue. En effet, les filles ont du chic dans de petites robes moulées, presque coquille, à la Balenciaga, ou dans de longues combinaisons recouvertes de cailloux colorés scintillants, inclus les bottines au talon aiguille en forme d'éclair.

L'univers de McQueen, mi-gothique, mi-futuriste rappelle les dessins de Bilal ou de Philippe Druillet. Surtout, le créateur à la sensibilité à fleur de peau est capable d'imaginer ces robes en guimpes de roses, recouvertes de tulle chair, comme si la fille n'était plus couverte que de délicates lianes fleuries. Comble de la dérision, Alexander McQueen est venu saluer, en final, en costume de Bugs Bunny, le lapin serinant depuis sa création en 1938 : " Eh, quoi de neuf, docteur ? ! "

Véronique Lorelle

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