Deux destins tragiques sur France 2

Des téléfilms sur les socialistes Roger Salengro et Pierre Beregovoy sont en production

DÉBUT juillet 1936, l'ancien maire socialiste de Lille, Roger Salengro, revient dans son fief du Nord pour convaincre les grévistes de reprendre le travail après la signature des accords de Matignon : forte hausse des salaires, premiers congés payés, semaine de 40 heures, esquisse d'une Sécurité sociale. Soixante-douze ans après presque jour pour jour, Yves Boisset filme la scène pour France 2, dans un nuage de poussière de charbon, sur le site de l'ancienne houillère de Wallers-Arenberg.

Bernard-Pierre Donnadieu prête sa solide carrure à Roger Salengro. Le comédien ne ressemble pas vraiment à l'homme politique, mais il a une allure très " Front popu ". Ministre de l'intérieur du gouvernement de Léon Blum, pilier du Front populaire et principal artisan des accords de Matignon, Salengro est au sommet de sa carrière, mais, en quelques semaines, il va sombrer. Le prenant comme bouc émissaire, la droite et l'extrême droite lancent une campagne de calomnies selon laquelle il aurait déserté durant la première guerre mondiale. Une commission d'enquête le lave de tout soupçon, mais, le 16 novembre 1936, il se suicide. Ses obsèques attireront près d'un million de personnes.

Ce n'est pas un hasard si, toujours pour France 2, Laurent Heynemann vient d'achever le tournage d'Un homme d'honneur, téléfilm relatant la fin de Pierre Bérégovoy (incarné par Daniel Russo), qui s'est donné la mort le 1er mai 1993. L'ancien premier ministre socialiste, cheville ouvrière du mitterrandisme, n'a pas supporté la mise en cause de son intégrité après la découverte de l'octroi par un ami de Mitterrand d'un prêt sans intérêts pour l'achat d'un appartement. Il s'est senti en partie responsable de la défaite de la gauche aux élections législatives de mars. Son décès aussi déclenchera un fort élan de sympathie populaire.

Salengro-Bérégovoy, le parallèle est tentant, mais ne l'a pas toujours été. " Il y a sept ans, raconte Yves Boisset, j'ai proposé un téléfilm sur Bérégovoy. Laurence Bachman, alors responsable de la fiction à France 2, a dit que c'était impossible. D'où mon idée du cas Salengro. Ironie de l'histoire : Laurence Bachman - devenue productrice - produit aujourd'hui le Bérégovoy, tourné juste après mon Salengro. " Les temps changent. Depuis peu, il est enfin permis en France de traiter sous forme de fiction des sujets parfois brûlants de l'histoire politique très contemporaine.

Francis Cornu

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