Lors d'une soirée spéciale, France 2 diffuse un téléfilm inédit sur l'histoire de cette jeune fille juive morte en camp de concentration, réalisé en collaboration avec le Fonds Anne Frank. Il est suivi d'un documentaire sur l'histoire mouvementée de la publication de son journal
EN consacrant une soirée spéciale à Anne Frank, France 2 honore le témoignage exceptionnel de cette adolescente juive allemande, cachée avec sa famille dans un grenier (" l'annexe ") à Amsterdam, avant d'être déportée au camp de concentration de Bergen-Belsen où elle mourut en mars 1945. Son Journal, publié grâce à son père, Otto Frank, seul membre de la famille à avoir survécu au génocide nazi, a été traduit dans le monde entier. Il a inspiré de nombreux films, téléfilms ou pièces de théâtre, mais c'est la première fois qu'une adaptation télévisée est réalisée en lien avec le Fonds Anne Frank (annefrank.ch).
Le scénario du téléfilm Le Journal d'Anne Frank, de Jon Jones et Deborah Moggach (coproduction Darlow Smithson, BBC, France 2), a été approuvé par Buddy Elias, dernier parent proche encore vivant de la famille Frank et président du Fonds. Des comédiens incarnent la jeune fille (Ellie Kendrick) et les personnages qu'elle décrit dans son journal, à l'aide de dialogues rédigés au plus près de ses écrits. Les décors reproduisent l'annexe, transformée en musée, avec les traces laissées par ses habitants clandestins, comme une affiche de cinéma dans la chambre d'Anne, l'endroit où Otto marquait la taille de ses filles au fil des mois, la carte où il dessinait l'avancée des troupes alliées.
UN CAHIER EN CADEAU
Née à Francfort (Allemagne) en 1929, Anne Frank émigre avec sa famille à Amsterdam en 1933. Après l'occupation des Pays-Bas par les forces nazies, les Frank décident de se cacher. En juillet 1942, ils s'installent dans l'annexe de l'entreprise d'Otto Frank. Quelques jours auparavant, Anne a fêté ses 13 ans et a reçu en cadeau un cahier. Elle décide aussitôt d'y consigner son journal intime, rédigé sous forme de lettres à une amie.
Jusqu'au printemps 1944, elle n'écrit que pour elle-même, cherchant là " un grand soutien ". Mais en mars 1944, la radio de Londres annonce que le gouvernement néerlandais en exil a l'intention, après la guerre, de collecter et publier les textes de citoyens qui racontent l'histoire de ces années. Le 29 mars, Anne note : " Hier soir, le ministre - ... - a dit qu'on rassemblerait une collection de journaux et de lettres - ... - . Pense comme ce serait intéressant si je publiais un roman sur l'Annexe. "
Dès lors, Anne retravaille et réécrit ses pages avec talent, tout en continuant à tenir son journal. En mai, elle note : " Mon souhait le plus cher est de devenir un jour journaliste et plus tard un écrivain célèbre. Réaliserai-je jamais ces idées (ou cette folie) de grandeur, l'avenir nous le dira. " Le 4 août, la famille est arrêtée, suite à une dénonciation.
Comme le Journal, le téléfilm s'arrête ici. Quelques phrases de texte rappellent cependant les derniers jours d'Anne. Les Frank sont emmenés au camp de concentration de Westerbork (Hollande), puis à Auschwitz. Fin octobre 1944, Anne et sa soeur Margot sont transférées à Bergen-Belsen. Malade du typhus, persuadée qu'elle ne reverra jamais ses parents, Anne décède quelques jours après Margot, fin février ou début mars 1945. Elles sont ensevelies dans une fosse commune.
Diffusé dans la deuxième partie de cette soirée spéciale, le documentaire Anne Frank, l'après-journal, de Christophe Weber et Laurent Portes (production MFP), raconte l'histoire de la publication du Journal, de son succès mondial et de la contestation de négationnistes. Les réalisateurs ont réuni une riche collection de photos d'Anne et de sa famille, à laquelle ils joignent des fragments de films tournés pendant la guerre, pour resituer l'histoire d'Anne dans son contexte. Ils insèrent de larges extraits d'entretiens donnés par Otto Frank (décédé en 1980). Ils ont aussi interviewé des historiens et d'anciens camarades de déportation.
VASTE EXPERTISE
Après l'arrestation des Frank, Miep Gies, l'une des quatre amis fidèles qui ravitaillèrent et protégèrent la famille pendant ses deux années de clandestinité, retrouve le cahier et les feuilles d'Anne éparpillées sur le sol. Elle les conserve pour les rendre à l'adolescente après la guerre. Quand il s'avère qu'elle ne reviendra pas, Miep les confie à Otto. Pour exaucer le souhait de sa fille, il décide de les faire publier. A partir des deux versions d'Anne, l'originale et celle retouchée, il compose une édition condensée, en supprimant les passages où elle évoque sa sexualité et ceux où elle critique durement sa mère. Le livre paraît en 1947 aux Pays-Bas, puis en Allemagne, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie.
Avec le succès commence l'acharnement des milieux nazis et négationnistes, contestant l'authenticité du livre. Le film relate les principales étapes de ce combat qui se conclut en 1986 par une vaste expertise scientifique des textes et de l'écriture d'Anne Frank. Tout est analysé, jusqu'à la composition chimique du papier, de l'encre, de la colle. Les résultats établissent les preuves de l'authenticité du Journal. Depuis, les trois versions ont été intégralement publiées, avec les commentaires des historiens.
Le Fonds Anne Frank, créé par Otto Frank à Bâle (Suisse) où il vécut après la guerre, gère désormais les droits de l'oeuvre d'Anne. Il finance aussi des projets sociaux et culturels destinés aux jeunes, dans le but de combattre toutes formes de racisme. Pour son président, Buddy Elias, " Anne a donné un nom aux victimes de la barbarie. Et pas seulement de la barbarie nazie. C'est pourquoi elle est devenue un symbole universel. Et malheureusement toujours actuel. "
Catherine Bédarida
Sur France 2, le 7 octobre. A 20 h 50, Le Journal d'Anne Frank, de Jon Jones et Deborah Meggach. A 22 h 30, Anne Frank, l'après-journal, documentaire de Laurent Portes et Christophe Weber.
Dans le téléfilm, la jeune Anne Frank est interprétée par Ellie Kendrick, ses parents par Iain Glen et Tamsin Greig. LAURENCE CENDROWICZ/PROD
La véritable Anne Frank en 1941, un an avant de devoir se cacher avec sa famille dans une annexe de l'entreprise de son père. IMAGNO/ROGER-VIOLLET