Editorial
Bon anniversaire la Ve

Les Français et leurs dirigeants ont, à l'évidence, d'autres chats à fouetter en ce moment. Il n'empêche, la Ve République fête ses 50 ans. Cela relève presque de la prouesse dans ce pays si friand de changements de régime (cinq républiques, deux empires, deux monarchies et un Etat français durant le siècle et demi précédent).

Récusée dès sa naissance par d'impitoyables censeurs (Pierre Mendès France, François Mitterrand ou Hubert Beuve-Méry, le fondateur de ce journal), accusée d'être trop étroitement taillée aux mesures du général de Gaulle pour lui survivre, mise à mal par les cohabitations à répétition entre 1986 et 2002, rongée par la crise de la représentation politique des deux dernières décennies, affaiblie par les présidences minimalistes de Jacques Chirac, couturée par vingt-quatre révisions constitutionnelles, notre étrange monarchie républicaine a résisté à toutes les épreuves. Et plus personne ne brandit la menace, encore en vogue il y a peu, de la remplacer par une VIe République.

Certes, elle ne ressemble plus guère au texte plébiscité par les Français le 28 septembre 1958. Depuis ce vote, l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel a été instaurée (1962), le Conseil constitutionnel a émergé, dans les années 1970, comme une véritable Cour constitutionnelle, le septennat présidentiel a cédé la place au quinquennat (2000) et rendu plus inconfortable encore la fonction de premier ministre ; quant à la récente réforme du 23 juillet, elle entend redonner quelque pouvoir au Parlement et accorder de nouveaux droits aux citoyens.

Mais, au-delà de cette capacité d'adaptation, le mérite essentiel de la Constitution de 1958 est d'avoir converti la France à une stabilité politique qui faisait cruellement défaut dans les régimes précédents. Ce n'est pas tout, mais c'est déjà beaucoup. Cela ne garantit évidemment pas l'efficacité de l'action gouvernementale, mais cela en fournit les outils. Cela n'établit pas à coup sûr un contrat clair et lisible entre le pouvoir et les citoyens, mais cela en pose les bases. Cela n'efface pas les mutations profondes (intégration européenne, mondialisation) qui bousculent l'Etat-nation et obligent à redéfinir l'exercice de la puissance publique, mais cela en donne les moyens. Reste à en avoir la volonté, qui relève des hommes, non des institutions.

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