UN PEU d'histoire. On est en 1993. La droite a remporté les élections législatives et Edouard Balladur devient le premier ministre de François Mitterrand. Alain Juppé est nommé aux affaires étrangères, Charles Pasqua à l'intérieur. Son conseiller chargé des questions de renseignement et de sécurité est Jean-Charles Marchiani.
Au même moment, en Angola, la guerre civile est relancée entre le président José Eduardo Dos Santos et les troupes de l'Unita de Jonas Sawimbi. Les autorités angolaises, qui veulent obtenir des livraisons d'armes, se heurtent à la ligne diplomatique officielle française, selon laquelle on ne vend pas d'armes à un pays en guerre, en particulier lorsque celui-ci est en proie à une guerre civile. M. Dos Santos tente alors une négociation officieuse en entrant en contact avec l'homme d'affaires Pierre Falcone, via l'entremise du fils aîné du président de la République, Jean-Christophe Mitterrand, qui en sera abondamment rémunéré. Pierre Falcone, proche de M. Marchiani, s'engage alors à soutenir la demande du président angolais auprès de " Charles " (Pasqua). Un contrat de livraison d'armes est conclu en 1994 entre la société de Falcone, Brenco, et l'Angola, pour un montant de 4 milliards de dollars, via une société slovaque, dont l'intermédiaire Arcadi Gaydamak est l'un des mandataires.
En 2001, après les péripéties qui vont mettre au jour ce trafic, le ministère de la défense porte plainte et l'instruction est confiée au juge Philippe Courroye. Celui-ci entend Alain Juppé, qui se montre cinglant : " Il était de notoriété publique que le Quai d'Orsay était hostile à toute vente d'armes vis-à-vis de l'Angola. Le ministre de l'intérieur connaissait parfaitement la position de la France. " Il ajoute : " C'est effectivement un combat permanent du ministre des affaires étrangères de s'assurer que la politique étrangère n'est pas faite par d'autres. Je n'ai jamais confié aucune mission diplomatique à Jean-Charles Marchiani, ni aucune autre d'ailleurs. Je découvre, en consultant ce dossier, une sorte de diplomatie parallèle que je ne qualifierai pas de haut vol. Cela me choque profondément. " " En avez-vous parlé avec M. Pasqua ? ", lui demande le juge. " Depuis 1995, nos relations ne sont pas très étroites... ", répond M. Juppé.
P. R.-D.