Le sommet de l'Elysée, première étape avant le Conseil européen et l'éventuelle réunion du G8

DANS les jardins de l'hôtel de Beauharnais, c'était la " fête de l'unité ". La fête de l'unité allemande, célébrée dix-huit ans après la réunification, vendredi 3 octobre à l'ambassade d'Allemagne à Paris, mais certainement pas celle de l'Europe, divisée sur la réponse à apporter à la crise financière.

Aussi François Fillon s'y est-il rendu pour panser les plaies franco-allemandes. " Il n'y a aucune raison d'avoir peur des initiatives de la France ", a déclaré le premier ministre français alors que Berlin a torpillé tout projet d'ampleur pour endiguer la crise financière.

Cette tension complique la tâche de Nicolas Sarkozy qui recevait, samedi à partir de 16 h 30 à l'Elysée, ses homologues européens du G8 : l'Allemande Angela Merkel, le Britannique Gordon Brown, l'Italien Silvio Berlusconi, ainsi que le président de la Commission, Jose Manuel Barroso, celui de la banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, et le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe. Le chef de l'Etat aura auparavant reçu le directeur général du fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn.

Le sommet devait se poursuivre dans la soirée avec un dîner. Fonctionnaires et diplomates travaillaient encore à l'élaboration d'un texte commun, samedi, au lendemain de l'adoption du plan Paulson pour sauver le système financier américain. Les ambitions ont été revues à la baisse. " Un message sortira : nous soutenons nos banques ", indiquait vendredi soir un négociateur français. Bref, il ne faut en aucun cas imiter les Américains, qui ont lâché leur quatrième banque d'affaire. " La faillite de Lehman Brother devait purger le système. Elle a détruit son essence, la confiance ! ", a résumé vendredi M. Fillon.

CALMER LES SUSCEPTIBILITÉS

Le sauvetage par le Benelux et la France des banques Fortis et Dexia, sous l'égide, de facto, de la BCE, doit servir de modèle, au contraire de la garantie unilatérale apportée par l'Irlande à ses banques nationales. Mais les Allemands ne veulent que des engagements a minima : " On ne peut pas dire par avance qu'on va renflouer les banques, car cela transférerait les risques sur l'Etat. Même si in fine, c'est ce qui se passera dans chaque pays ", indiquait vendredi un proche de la chancelière Angela Merkel.

Il n'y aura pas de plan de sauvetage européen formel, comme l'avaient envisagé les Néerlandais avant les Français, mais juste un appel à la coordination européenne. Peut-être une demande d'harmonisation des règles de garanties de dépôts. Mais pas de décisions fermes, les mesures concrètes étant renvoyées au conseil européen des 15 et 16 octobre.

M. Sarkozy a publié vendredi soir la lettre qu'il a envoyée à M. Barroso. Le président en exercice de l'Union européenne met la crise à l'ordre du jour du sommet des 27. " L'intérêt européen commande un intense effort de coordination et de convergence des actions à mener. Nos concitoyens attendent de notre part une action résolue pour les protéger ", écrit M. Sarkozy, qui juge " indispensable que nous arrêtions à ce moment-là des mesures concrètes propres à favoriser le retour à la confiance ".

La manoeuvre a pour objectif de calmer les susceptibilités et de permettre au président français de fixer l'agenda, en dépit des réticences de ses partenaires. La réunion de samedi était restreinte, car censée préparer une réunion du G8 au complet dans la foulée des élections américaines. Mais les dirigeants qui n'y ont pas été conviés sont amers. " Cette réunion ne peut être que pour faire des propositions ", a expliqué le président du Parlement européen, le chrétien-démocrate allemand Hans-Gert Pöttering, pour qui les décisions doivent être prises par " les 27 pays ". La numéro deux du gouvernement espagnol, Maria Teresa Fernandez de la Vega, a insisté sur le côté " informel " de la réunion, alors que déjà, le premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero n'avait pas été d'une précédente rencontre organisée cet hiver à Londres par Gordon Brown.

Ces querelles de bienséance exaspèrent les négociateurs français. " On est au bord de l'effondrement, et ces gens nous disent qu'il faut décider à 27, avec le Letton ", peste l'un d'eux.

Les ministres des finances européens sont priés par M. Sarkozy d'" élaborer une stratégie d'ensemble cohérente " lors de leur réunion des 6 et 7 octobre à Luxembourg. Le président demande " des propositions permettant d'éviter un durcissement indu du financement des ménages comme de nos entreprises, notamment les plus petites ". Il veut aussi trouver " les moyens de renforcer le système européen de supervision ". Il souhaite une " amélioration de la transparence " et la " responsabilisation de tous les acteurs financiers ", qui passe par " la prise en compte de la performance réelle " dans la rémunération des dirigeants.

Sur ce point, M. Sarkozy est à la manoeuvre sur le terrain franco-français : il a donné au patronat jusqu'au conseil des ministres du 7 octobre pour émettre des propositions, faute de quoi le gouvernement légiférerait avant la fin de l'année.

Arnaud Leparmentier

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