La réforme de l'apprentissage constitue l'un des trois volets du projet gouvernemental visant à sécuriser les parcours des actifs – les deux autres portant sur la transformation de l'assurance-chômage et de la formation professionnelle. Un chantier à la fois lourd et complexe, qui doit être bouclé dans des délais extrêmement serrés puisqu'il fera l'objet d'un texte de loi présenté, en principe, au début du printemps.
Le vu de l'exécutif consiste à promouvoir une filière qui pâtit d'une mauvaise image bien qu'elle ait fait ses preuves. Selon la ministre du travail, Muriel Pénicaud, sept apprentis sur dix parviennent à trouver un poste après leur formation en alternance
Plusieurs orientations importantes ont été arrêtées, à la fin de l'automne 2017. Il s'agit tout d'abord de mettre fin à la " régulation administrative " du système afin qu'il réponde plus rapidement aux besoins en compétences des employeurs. A l'heure actuelle, les centres de formation des apprentis (CFA) ne peuvent ouvrir leurs portes que si une convention est passée avec les régions (ou avec l'Etat) : l'exécutif voudrait qu'ils puissent être créés librement à l'initiative des branches professionnelles, confiant, ainsi, à celles-ci un rôle cardinal – ce que réclame le Medef depuis des lustres. Les régions s'en inquiètent, notamment parce qu'elles pensent que le monde rural et les zones urbaines sensibles risquent d'être délaissés. Mais aussi parce que des CFA pourraient ainsi entrer en concurrence avec des lycées professionnels – lesquels sont construits avec les deniers des exécutifs régionaux.
Autre changement de taille : le financement de l'apprentissage. Aujourd'hui, l'une des principales sources d'argent provient d'une taxe, dont 51 % du produit est reversé aux régions (soit environ 1,6 milliard d'euros). Cette contribution pourrait être remplacée par un autre prélèvement, égal à 0,8 % de la masse salariale des entreprises et destiné aux dispositifs d'alternance (parmi lesquels l'apprentissage). Les fonds redescendraient ensuite vers les branches professionnelles, en fonction du nombre de contrats conclus dans les CFA. Dans ce schéma, les régions ne percevraient plus le moindre euro – d'où leur critique consistant à dire qu'elles ne pourront plus épauler les CFA pauvres.
" Système de veto "Le 15 janvier, le gouvernement semble avoir donné quelques gages aux régions, à l'issue d'une rencontre à Matignon avec l'association qui les représente. Elles se verraient notamment attribuer une sorte de droit de veto à la création d'un CFA si celui-ci propose des formations similaires à celles d'un lycée professionnel situé à proximité. C'est, en tout cas, ce qu'a rapporté Hervé Morin, le président de l'association Régions de France, de ses échanges avec le premier ministre. Du coup, le Medef et la CPME se sont demandé si l'exécutif ne changeait pas de logique dans ce dossier.
Dans l'entourage d'Edouard Philippe, on fait observer que les régions ont mis beaucoup d'eau dans leur vin : " Il y a un mois, elles étaient opposées au transfert de la taxe aux branches via un financement au contrat ; celui-ci est désormais acté. Elles ont également accepté le principe de la fin d'une autorisation préalable à l'ouverture de centres. " S'agissant du " système de veto ", Matignon précise : " Nous n'avons pas conclu. Néanmoins, il a été indiqué collectivement que, si la décision est motivée, c'est une piste à examiner. " Conclusion : rien n'est arbitré, le feuilleton se poursuit…
B. Bi.