Trump brouille les cartes sur l'immigration

Les tergiversations et les provocations du président ont empêché tout compromis avec les démocrates

L'unité républicaine qui avait permis, en décembre  2017, l'adoption d'une réforme fiscale massive a volé en éclats en janvier sur le dossier de l'immigration. Les divisions des conservateurs ont remis en cause en premier lieu la quête d'une entente sur le sort des " Dreamers ", ces sans-papiers arrivés mineurs aux Etats-Unis et que Donald Trump a dépouillés en septembre du statut temporaire accordé par son prédécesseur, le démocrate Barack Obama.

Ce blocage menaçait vendredi 19  janvier, dernier jour de financement de l'Etat fédéral, de déboucher sur un shutdown, la fermeture des administrations faute de moyens. Le Parti démocrate conditionne en effet son vote en faveur d'une nouvelle rallonge budgétaire temporaire, la troisième depuis septembre, à un règlement de ce dossier migratoire en souffrance. La trop courte majorité des républicains au Sénat (51 sièges sur 100) oblige à trouver des renforts afin d'obtenir les 60  voix nécessaires pour contrer toute manœuvre d'obstruction.

Le 9  janvier, au cours d'une réunion médiatisée à la Maison Blanche, le président des Etats-Unis avait pourtant invité démocrates et républicains à trouver un compromis global sur l'immigration intégrant le sort des " Dreamers ". Un dossier sur lequel les deux administrations précédentes, démocrate comme républicaine, ont buté. Faisant assaut de bonne volonté, Donald Trump avait assuré être prêt à signer le moindre accord. " Je vais le signer, je ne vais pas dire : “Oh, je veux ça, ou je veux ça” ", avait-il déclaré.

Un engagement qui n'a pas tenu quarante-huit heures. Jeudi matin, sur le conseil des sénateurs républicains les plus durs sur l'immigration, Tom Cotton (Arkansas) et David Perdue (Géorgie), le président a repoussé au cours d'une réunion le compromis concocté sous l'égide du républicain Lindsey Graham (Caroline du Sud) et du démocrate Richard Durbin (Illinois). Il a avancé comme préalable le déblocage de fonds fédéraux pour construire le " mur " sur la frontière avec le Mexique promis pendant la campagne.

Ire présidentielle

Ce sont surtout les propos orduriers à l'égard de pays africains (qu'il aurait qualifiés de " pays de merde ") tenus par le président à cette occasion selon une partie des présents qui ont attiré l'attention. Niés a posteriori par d'autres, mais non démentis initialement par la Maison Blanche, ils ont soulevé aussitôt le tumulte, y compris à l'étranger. La controverse a débouché, mardi 16  janvier, sur une audition éprouvante au Sénat de la secrétaire à la sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen. Présente aux côtés du président quatre jours plus tôt, cette dernière qui s'exprimait sous serment a plaidé le trou de mémoire face à des élus démocrates incrédules.

Les divisions ont été relancées mercredi lorsque le propre chef de cabinet du président, John Kelly, a assuré selon le New York Times, au cours d'une réunion avec les élus hispanophones du Congrès que Donald Trump n'était pas " suffisamment informé " lorsqu'il s'était engagé à ériger cette muraille. Plus tard, sur la chaîne conservatrice Fox News, le chief of staff de la Maison Blanche a renchéri en assurant que le président " a évolué dans la façon dont il regarde les choses ".

Ces propos ont suscité l'ire présidentielle. Elle s'est déversée jeudi sur le compte Twitter de Donald Trump. " Le mur, c'est le mur et il n'a jamais changé ou évolué depuis le jour où je l'ai conçu ", a tranché le président. Il avait pourtant admis, les jours précédents, que l'ouvrage d'art n'était sans doute pas nécessaire sur la totalité de la frontière.

Les divisions républicaines sont anciennes sur l'immigration. En  2013, un compromis entre des républicains et les démocrates du Sénat, alors contrôlé par ces derniers, avait été bloqué par le speaker (président) républicain de la Chambre des représentants, John Bœhner. Les tergiversations du président et des divergences affichées avec John Kelly ajoutent cependant à la confusion.

Le chef de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell (Kentucky), les a ainsi résumées mercredi. " Dès que nous aurons compris en faveur de quoi il est ", a-t-il dit à propos de Donald Trump, " je suis convaincu que nous aurons fini de perdre notre temps ". Plus cru, son homologue Lindsey Graham a constaté " ne pas avoir un partenaire fiable à la Maison Blanche avec lequel négocier ".

Les républicains pensaient avoir trouvé la parade pour inciter les démocrates à voter pour leur rallonge budgétaire. Ils avaient en effet envisagé d'y ajouter des fonds pour la couverture santé d'enfants défavorisés, un programme soutenu jusqu'à présent unanimement, mais curieusement non reconduit en septembre. Le président a pourtant joué une nouvelle fois les perturbateurs en critiquant vertement l'initiative sur son compte Twitter.

Sur Fox News, John Kelly s'était montré encourageant, mercredi. " Faire campagne et gouverner sont deux choses différentes et le président se montre très, très flexible pour ce qui concerne le domaine du possible ", a-t-il assuré. Donald Trump ne cesse pourtant de le démentir. Comme indifférent à la menace du shutdown, il avait par ailleurs prévu de quitter Washington vendredi après-midi pour retrouver une nouvelle fois pour le week-end sa demeure de luxe de Mar-a-Lago, en Floride.

Gilles Paris

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