Amesure que la cause des -femmes gagne en popularité, celle des hommes semble -dégringoler, redoutent certains -d'entre eux. En entreprise particulièrement. Une étude relayée le 16 novembre 2017 par Insead Knowledge, lettre d'information de cette business school -de renommée internationale, risque de les affoler encore un peu plus. Sous le titre " Pourquoi certains hommes ressentent-ils le besoin de gagner à n'importe quel prix ", cet article – dont nous précisons qu'il est signé par un homme, Stefan Thau, professeur de comportement des organisations à l'Insead – part du principe que " si les hommes négocient plus durement en affaires, c'est sans doute aussi qu'ils se battent de façon plus douteuse, non éthique, trompeuse ". Pour l'auteur, " les rôles respectifs des hommes et des femmes dans l'évolution des espèces expliquent cette différence entre les sexes, -en matière de négociations ".
Il le prouve dans un article de recherche, publié en septembre 2016 dans l'Academy of Management -Journal, -cosigné par deux autres -chercheurs, Marko Pitesa de l'Université de management de Singapour et Madan -Pillutla de la London -Business School, et une chercheuse, Margaret Lee, également de la London Business School.
Leur thèse est que la combativité masculine vient du besoin primitif de l'espèce humaine de trouver des partenaires pour se reproduire. " Les femmes devaient être plus sélectives que les hommes car chaque grossesse prend du temps et de l'énergie. (…) Les hommes devaient donc se battre les uns contre les autres. Quitte à tricher. Alors que les femmes ne ressentaient pas ce besoin, et avaient même plus à perdre dans des conflits entre congénères. D'autant qu'élever des enfants nécessitait l'entraide de leurs semblables. "
Libido et mensongeCes comportements primaires continueraient d'imprégner les esprits. Pour le démontrer, les chercheurs ont réalisé trois expériences. La première, menée auprès de 138 adultes – moitié hommes, moitié femmes –, avait pour but de prouver que les hommes les plus portés sur la chose, à la libido particulièrement développée, étaient aussi les plus déviants déontologiquement. Ce qui fut le cas. Les hommes très actifs sexuellement étaient plus enclins à donner de fausses -informations sur le prix des produits, leurs garanties, ou à ne donner que des informations partielles, à faire de fausses promesses.
La deuxième étude avait pour but de confirmer que l'appétit sexuel était la cause de comportements douteux. Et la troisième, que les femmes étaient plus soucieuses de respecter les normes sociales. Quand elles se trouvaient dans la situation de devoir négocier avec de belles femmes, " elles n'étaient pas complètement immunisées " contre le risque de triche. Mais à de moindres degrés que les hommes dans la même situation.
Ces deux autres études ont donc confirmé la thèse des chercheurs. A savoir que " les hommes mentaient plus souvent que les femmes. Et ceux qui mentaient le plus étaient ceux qui négociaient avec des hommes attirants ". En clair, beaux et bien foutus.
Foutaise, dit, de façon moins -triviale, Catherine Vidal. Pour cette neurobiologiste, directrice de -recherche honoraire à l'Institut -Pasteur, et auteure, entre autres, de Nos cerveaux, tous pareils, tous différents ! (éd. Belin, 78 pages, 5,90 euros), " ce raisonnement évolutionniste part du principe que les sociétés humaines sont identiques aux sociétés animales. Ce qui laisse rêveur. Jamais les femmes n'ont eu voix au chapitre pour choisir leur mari ", dit-elle en s'appuyant sur les travaux des anthropologues. Par ailleurs, " la plasticité cérébrale permet au cerveau de se construire en fonction des expériences de la vie. Les circuits de neurones se réorganisent en permanence. Et le cortex cérébral, siège de la pensée, contrôle les régions -profondes du cerveau impliquées dans les instincts. La culture régit les comportements et relations sexuelles entre hommes et femmes. Instincts et culture ne sont pas indépendants ".
De quoi rassurer cette moitié de l'humanité quant à sa bestialité qui ne serait donc pas inéluctable !
Reste que les conclusions de Stefan Thau et de ses collègues plaident – pour de bonnes ou mauvaises -raisons – en faveur de la diversité en entreprise, dont on sait qu'elle est souhaitable. Pour Stefan Thau : " Un employeur devrait confier à une femme plutôt qu'à un homme la tâche de négocier, quand les questions éthiques sont essentielles et que le négociateur adverse est un homme. (…) Et si ce n'est pas possible, si personne du sexe opposé n'est disponible, mieux vaut prévoir de négocier tard dans la journée, quand les niveaux de testostérone sont généralement plus bas, ce qui pourrait atténuer les effets de la concurrence sexuelle. "
Dans le doute, pourquoi pas ?
par Annie Kahn