Le crowdfunding immobilier en plein essor

Le financement participatif consacré à la construction a drainé 101 millions d'euros en 2017, contre 68 en 2016

L'argent afflue sur les plates-formes Internet de " crowdfunding " immobilier, elles-mêmes de plus en plus nombreuses. Né en  2013, en France, ce financement participatif s'installe désormais dans le paysage de la promotion. Il a, en  2017, drainé 101  millions d'euros (contre 68 en  2016) pour financer 220 opérations (134 en  2016), au vu des données collectées par HelloCrowdfunding et publiées le 11  janvier. Mais c'est encore peu, dans un marché évalué à 2  milliards d'euros.

Selon l'étude menée par Céline Mahinc, d'Eden Finances, et Chloé Magnier, de CM Economics, 42 plates-formes proposaient ce service en juin  2017, probablement une cinquantaine aujourd'hui. Ce secteur morcelé est dominé par une poignée d'acteurs : Anaxago (25  millions d'euros collectés en  2017), Wiseed (43  millions d'euros), Homunity (8  millions d'euros) et ClubFunding (12  millions d'euros).

Le système satisfait à la fois les investisseurs, par ses rendements attrayants de 9  % à 10  % sur des durées courtes – douze à dix-huit, voire vingt-quatre mois – et les promoteurs qui y puisent des fonds complémentaires aux prêts bancaires, dont la marge de manœuvre est bridée par les règles prudentielles.

La nouvelle donne fiscale introduite par la loi de finances pour 2018, devrait, en outre, accélérer le mouvement, ce placement n'entrant pas dans l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière. La formule attire d'ailleurs de plus en plus de gestionnaires de patrimoine, des " family offices " et quelques institutionnels : " Ils viennent chercher du rendement ", observe Mme Mahinc.

Les promoteurs immobiliers clients de ces plates-formes sont, en général, des sociétés de taille moyenne, locales et régionales, qui ne peuvent pas, comme les grands groupes, émettre d'obligations. Ainsi, REI Habitat, spécialiste des immeubles à structure bois, en pleine croissance, fait régulièrement appel au site Wiseed : " Un prêt bancaire me coûte certes 2,5  % l'an seulement, contre 7  % ou 8  % avec Wiseed plus un droit -d'entrée de 5  %, mais cela joue sur un faible montant. Ainsi, l'écart de 5  points sur une opération de 10  millions d'euros, soit 500 000  euros, me coûtera environ 40 000  euros d'intérêts, ce qui est modeste à l'échelle du projet, et permet de refinancer mes fonds propres pour lancer de nouvelles opérations ", détaille Paul Jarquin, son PDG. " Chacune de nos opérations est d'ailleurs très courtisée par ces plates-formes ", se félicite-t-il.

L'engouement est évident : Homunity a par exemple levé, en soixante-douze heures, plus de 1  million d'euros pour un immeuble à construire, près de la frontière suisse. " Mes programmes sont financés sur Wiseed en quelques heures. A tel point que je me demande s'il n'y a pas un risque de dérive, en aidant des projets mal ficelés, mal situés ", dit M.  Jarquin.

Pas sans risque

Le placement n'est pas sans risque, en dépit de la réglementation et des exigences des plates-formes. Elles mènent, selon leurs dirigeants, des audits sérieux et ne lancent de projet que si le permis de construire est obtenu et purgé de tout recours, le terrain acheté et la commercialisation bien avancée. Le site ClubFunding a ainsi financé à quatre reprises un promoteur breton qui édifie des logements sociaux, sans aucun risque au stade de la commercialisation, puisque les immeubles sont prévendus à des bailleurs sociaux.

Selon HelloCrowdfunding, 83 pro--jets ont été débouclés en  2017, remboursant 29  millions d'euros avec un faible taux de défaillance de 1,33  %. L'immobilier se révèle donc moins risqué que les start-up technologiques. Le seul problème significatif a été la faillite, début -janvier  2017, du groupe Terlat, à -Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), dont Anaxago a financé quatre programmes et Wiseed deux. Le risque venait du promoteur lui-même, endetté par d'autres activités que ses chantiers, ce qui explique pourquoi Anaxago a annoncé, ce 11  janvier, reprendre deux immeubles à son compte, les livrer fin 2018 et rembourser les souscripteurs.

Même si la transparence progresse sur chaque opération financée, les acteurs se montrent, en revanche, discrets sur les résultats dégagés par leur activité : " La rentabilité réelle des plates-formes reste à démontrer, juge Mme Méhinc. Il faudrait des volumes de collectes beaucoup plus importants, de l'ordre de 100  millions d'euros, pour être rentables. "

Isabelle Rey-Lefebvre

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