Taux réduits de TVA : la copie de Bruxelles

La Commission européenne entend moderniser le système de fixation des taux

Elle les avait annoncées dès 2016 : après dix-huit mois de travail, la Commission présente enfin ses propositions législatives pour réformer le système de fixation des taux de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) dans l'Union. Jeudi 18  janvier, Pierre Moscovici, le commissaire chargé de l'économie et de la fiscalité, a promis un cadre " moderne, plus efficace et étanche à la fraude ", cette dernière ayant été évaluée dans une étude interne à près de 170  milliards d'euros de manque à gagner pour les Etats sur la seule année 2013. Un montant colossal.

En quoi consiste le système actuel et comment Bruxelles entend le moderniser ? Il repose sur une première directive TVA datant de la fin des années 1960. Modifiée en  1992, elle stipulait que les Etats membres devaient, pour les biens et les services, fixer un taux minimal de TVA de 15  % (afin d'éviter la concurrence fiscale exacerbée entre territoires). Un taux réduit de 5  % pouvait être appliqué, mais seulement sur les biens et les services figurant sur une liste préétablie. Au fil des ans, certains Etats ont obtenu des dérogations, avec de nouveaux taux réduits (ou nuls), notamment lors de leur adhésion à l'Union.

Il en résulte une situation brouil-lonne, inadaptée à la globalisation, à la digitalisation de l'économie et injuste, la liste préétablie restant absurdement rigide (il faut l'unanimité des capitales pour la modifier) et certains pays jouissant d'exceptions dont d'autres sont privés… Ces aberrations ont pu conduire à des situations cocasses : ainsi de ce sommet crucial de mars  2016, en pleine crise migratoire, et à trois mois du référendum sur le Brexit, durant lequel David Cameron, l'ex-premier ministre britannique, a dépensé beaucoup d'énergie pour obtenir un allégement de la TVA sur les protections féminines au Royaume-Uni. Il faut dire que les rasoirs pour hommes bénéficiaient d'un taux zéro, eux. Et qu'en Irlande, toute proche, la " taxe tampon " n'existait pas…

La Commission propose désormais des règles harmonisées à l'ensemble de l'UE : les Etats membres devront continuer à appliquer un taux de TVA " normal, minimal " de 15  % au moins, mais ils pourront aussi adopter un taux nul, un taux réduit compris entre 0  % et 5  %, et deux autres taux réduits distincts, compris entre 5  % et leur taux normal de TVA.

Ils pourront par ailleurs appliquer ces taux aux services et aux biens qu'ils souhaitent, à l'exception de quelques produits et services comme les métaux précieux, les alcools, les smartphones, les armes ou le tabac, qui ne pourront pas bénéficier d'un taux réduit. " C'est aux Etats membres de prendre leurs responsabilités, à eux de choisir, s'ils veulent appliquer un taux réduit aux e-books plutôt qu'aux chevaux ", a précisé M. Moscovici jeudi.

Réforme de bon sens

Par ailleurs, pour éviter les tentatives de dumping entre Etats membres ou des chutes de recettes fiscales trop brutales qui mettraient en péril des finances publiques, les capitales devront s'assurer que le taux moyen de TVA (sur tous les produits et services échangés sur leur territoire) soit de 12  % a minima.

Mais, pour voir s'appliquer un jour cette réforme de bon sens, il va falloir s'armer de patience. En matière fiscale, les lois européennes doivent obtenir le feu vert unanime des Etats membres, ce qui rend leur adoption aléatoire, parfois impossible. La Commission a précisé, jeudi, que la simplification des taux ne sera effective qu'après l'introduction du " régime de TVA définitif " pour les échanges transfrontaliers. Or ce système de collecte harmonisé sur l'ensemble de l'Union fait actuellement l'objet de très laborieuses négociations au sein du Conseil…

Bruxelles avait aussi proposé, il y a plus d'un an, d'aligner la TVA des livres numériques sur celle des livres papier, mais cette mesure pourtant consensuelle est bloquée par la République tchèque depuis mi-2017. Prague prend ce texte en otage pour obtenir une dérogation au mécanisme européen de collecte de la TVA -envisagé par la Commission… " Il faut sortir de cette impasse, j'espère que la présidence bulgare de l'Union trouvera un accord ", a souhaité M. Moscovici jeudi.

C. Du.

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